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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

pays, à laquelle je me rendis après la fête (25 août) de Saint-Louis. Elle est située à sept petites lieues de Québec, dans une grande plaine longue d’une dizaine de lieues, qui est fertile et agréable. Notre Limousin ne produit pas de pays semblable. Ce n’est pas qu’il n’y ait des montagnes, mais elles sont faciles à grimper et un demi quart d’heure suffit pour arriver au sommet. Ma paroisse est située sur le bord du fleuve Saint-Laurent qui donne un agrément à ma petite maison et à mon église, qui est une des plus belles et des mieux ornées du Canada. Tu pourrais t’imaginer que ce n’est pas grande choses ; détrompe-toi et sois persuadé que les églises paroissiales de campagne en France ne sont pas comparables à celles du pays que j’habite. J’ai plus de douze ornements différents pour la messe, tous propres et beaux ; les linges, soit sacrés, soit aubes et surplis, sont presque sans nombre ; les vases sacrés, riches et d’argent doré ; le soleil, grand et d’un bel ouvrage ; l’église, vaste, ornée de tableaux donnés par des vœux qu’ont fait plusieurs bâtiments dans les dangers qu’ils ont essuyés dans les voyages du Canada. Le maître-autel est d’une architecture rare et le retable l’emporte par la richesse et la magnificence sur tous ceux que j’ai vus. Les reliques y sont très connues et en grande vénération ; la principale, quoique la plus petite, est une portion de la main de sainte Anne bien avérée ; l’église est consacrée à Dieu sous l’invocation de cette grande sainte, qui est en si grande vénération dans ce pays que les pèlerins y abondent et montent et descendent de cinq à six cents lieues pour accomplir leur vœu, ce qui n’est pas un petit embarras pour moi. Les confessions et communions sont si fréquentes que je ne crois pas qu’il y ait en France de paroisse de campagne où elles sont plus communes. Outre les pèlerins, les gens de la paroisse me donnent beaucoup d’occupation, surtout le dimanche, et après avoir passé près de quatre heures au confessionnal, je suis obligé d’en renvoyer plusieurs pour célébrer la messe que les paroissiens attendent avec impatience. Peu de jours ouvriers se passent sans qu’il y ait des confessions des pèlerins et des gens de la paroisse ; en un mot, si nous étions trois et même quatre, nous aurions suffisamment d’occupation, et autant de messes que nous pourrions en acquitter quoique les rétributions qui ne sont qu’à quinze sous dans Québec et les autres paroisses, et même à dix sous en quelques endroits, soient ici à vingt sous. »

La dévotion à sainte Anne est très grande dans notre pays, comme le fait voir la nomenclature des sanctuaires qui lui sont dédiés : — Sainte-Anne des Monts, Sainte-Anne de la Pointe au Père, Sainte-Anne du Saguenay, Sainte-Anne Lapocatière, Sainte-Anne de Beaupré, Sainte-Anne de la Pérade, Sainte Anne d’Yamachiche, Sainte-Anne de Stuckeley, Sainte-Anne de Danville, Sainte-Anne de Varennes, Sainte-Anne de Sorel, Sainte-Anne de Montréal, Sainte-Anne de bout de l’Île, Sainte-Anne des Plaines, Sainte-Anne d’Ottawa, Sainte-Anne du Calumet — seize dans la province ecclésiastique de Québec. Au dehors ; on compte : Sainte-Anne du Détroit, Sainte-Anne de Kenkakee des Illinois, Sainte-Anne des Chênes de Manitoba, Sainte-Anne du diocèse de Saint-Albert, Sainte-Anne de Cawetchin de Vancouver, toutes paroisses formées par les Canadiens. Il y a sept paroisses de ce nom dans les provinces maritimes et trois dans Ontario.