Le commerce souffrait. L’habitant ne savait à quel saint se vouer. Au milieu de ces disputes, la cour envoya soixante jeunes filles, le dernier convoi de ce genre, le mieux choisit, dit-on, et celui qui a fait le plus d’honneur à la Louisiane. Sous le rapport de l’agriculture et des produits de la contrée en général, il régnait une négligence extrême. Les vivres apportées de France formaient le fond des magasins. Lorsque M. Michel de la Rouvillière mourut, en 1752, tout était encore en confusion. L’année suivante, M. de Vaudreuil fut appelé au gouvernement du Canada. L’histoire des dix années qui vont de 1753 à 1763, sous M. de Kerlerec est une répétition du passé, avec ces différences que les Anglais, toujours en activité, serrèrent de plus près la colonie et que la moitié de la Louisiane tomba finalement entre leurs mains par un traité en forme.
En 1755-56, la Louisiane vit arriver chez elle un certain nombre d’Acadien fuyant la persécution des Anglais. On estime à seize mille âmes le chiffre de ce peuple au moment de sa dispersion. Quatre mille, peut-être, avaient déjà émigré dans les îles du golfe Saint-Laurent ; un nombre à peu près égal s’était réfugié dans les postes occupés par les troupes françaises autour de l’isthme de Shédiac ; deux mille environ échappèrent aux embuscades des Anglais ; six mille furent transportés dans le Massachusetts, la Pennsylvanie, la Virginie, l’Angleterre, soit quinze cents en Angleterre, après avoir été renvoyés de la Virginie et de la Caroline ; une partie mourut de misère et le reste fut envoyé en France en 1763. Un millier retournèrent de Boston et des côtes sud de la mer en Acadie. Après 1763, plus de quatre cents allèrent de New-York à Saint-Domingue. Près de huit cents passèrent en Louisiane venant du Maryland, de la Caroline et de la Géorgie. Un autre millier, s’étant emparé des navires qui les transportaient, se sauvèrent à la rivière Saint-Jean. Sur les treize cents qui restaient, la moitié mourut — de sorte qu’il en resta de six à sept cents tout au plus aux États-Unis, et encore plusieurs gagnèrent-ils le Canada, où on les reçut comme des frères malheureux. La plupart des autres finirent par se diriger vers l’ouest et se firent coureurs de bois.
Bougainville écrivait en 1757 : « La Louisiane est encore plus dans l’enfance, pour ainsi dire, que le Canada, dans un beau climat, riche par ses productions. Il y a deux villes sans fortifications, la Nouvelle-Orléans, belle, des rues bien alignées, une grande belle place, avec deux corps de caserne. On devrait y faire une enceinte, ne serait-ce qu’un fossé palissadé. La Mobile, petite ville comme les Trois-Rivières du Canada ; quatre bourgs : les Illinois, les Alibamons, Natchitoches, la Pointe-Coupée. L’indigo, les mûriers, la cire, les bois, sont les richesses du pays, qui produit de tout en abondance ; le tabac meilleur que le Virginie. Un commerce avec le Mexique ; le pays difficile à conquérir par l’Anglais ; les bâtiments ont peine à y aborder ; pays aquatique. Des digues, comme en Hollande, en submergent une partie en cas de besoin. Il peut y avoir trois à quatre mille blancs, quatre mille nègres, quarante compagnies détachées de la marine, faisant deux mille hommes, trois cents Suisses du régiment Dalville. On trouve aux Illinois d’abondantes mines de plomb ; la place de gouverneur vaut treize mille livres, celle de commissaire-ordonnateur moins. Mais le talent