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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

peau. Se battre pour changer de drapeau ou de maître ce n’est pas l’idéal du patriotisme. Il semble que c’était là le juste raisonnement de presque tout le Bas-Canada.

Les années 1836-37 furent marquées par de nombreuses assemblées populaires sur divers points du pays. On se demandait s’il en résulterait une manifestation armée, et en ce cas où elle pourrait bien se produire. Dans le district de Montréal, sans nul doute ; c’était là que l’agitation prenait le plus de consistance. En effet au mois d’octobre 1837. les Fils de la Liberté paradèrent à Montréal, armés de bâtons, pour protester contre le Doric Club ou les Constitutionnels. Ceux-ci saccagèrent, en réponse, l’atelier du journal le Vindicator. Les charivaris devinrent à la mode. Les têtes se montaient de part et d’autre. À Québec même il y eut des arrestations « pour pratiques séditieuses. » M. Bibaud, qui parle de ces choses en vrai bureaucrate, est saisi d’étonnement devant l’audace des patriotes qui se montrent en procession et « s’exercent en face des autorités. »

Une assemblée des habitants de six comtés, à Saint-Charles, rivière Chambly ; une assemblée à Saint-Athanase ; comité permanent des patriotes du comté des Deux-Montagnes : enrôlement des volontaires pour aider les troupes anglaises ; soulèvement à Longueuil ; départ des régiments dirigés sur les paroisses insurgées ; arrivée des troupes du Haut-Canada ; bataille de Saint-Denis, gagnée par les Canadiens ; défaite de ceux-ci à Saint-Charles ; commencement des incendies ; proclamation de la loi martiale dans le district de Montréal ; les têtes de Papineau et de ses lieutenants mises à prix ; révolte de Mackenzie à Toronto ; combat de Saint-Eustache — tel est à peu près le bilan de la fin de cette année 1837.

En janvier 1838, les autorités s’occupèrent du désarmement des paroisses. Le mois suivant, la constitution fut suspendue. Les troubles du Haut-Canada augmentèrent d’intensité. L’attention publique se porta alors vers cette province.

Le « conseil spécial » entre en fonction. On réveille le projet d’une union politique des deux provinces. Au mois de mars, le docteur Robert Nelson revient des États-Unis avec un certain nombre de réfugiés ; ceci aggrave la situation ; le docteur proclame la république canadienne. En mai, procès politiques et exécutions capitales dans le Haut-Canada. Arrivée des troupes d’Angleterre et de lord Durham commissaire royal. On commence les déportations aux Bermudes. Nouvelles tentatives infructueuses des réfugiés. Au sud du Saint-Laurent plusieurs paroisses se soulèvent les troupes anglaises promènent la terreur partout. Défaite des patriotes à Lacolle et ailleurs. Désarroi de l’insurrection.

C’est en 1839 qu’eurent lieu les exécutions à Montréal. Douze Canadiens périrent sur l’échafaud. Les déportations continuaient. Les chefs de la révolte, dispersés ou réfugiés aux États-Unis ; la population frappée d’épouvante ; les arrestations devenues quotidiennes ; la marche des volontaires du Haut-Canada à travers nos campagnes ; les villages en cendres — tout indiquait que la vengeance s’exerçait sans merci et que la cause du Bas-Canada était perdue, car le parti anglais ne faisait aucun mystère de son désir d’écraser notre nationalité. Nous passons avec hâte sur ces faits douloureux mis en pleine lumière par les historiens.

En 1775, les colonies américaines étant en insurrection et le Canada n’ayant pas encore reçu d’habitants anglais, le cabinet de Londres s’était empressé de tout faire pour concilier