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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

des faits nouvellement accomplis… La nouvelle coalition eut l’heureux résultat de rapprocher les deux populations du Canada et de les mettre sur le même pied… Elle démontrait de plus que, la constitution étant mise en pratique dans un esprit de justice, les Canadiens d’origine française devaient avoir une grande influence dans la représentation. Ils ne formaient pas la majorité, mais ils pouvaient la donner à tout parti un peu considérable. De plus, l’acceptation du pouvoir par MM. Lafontaine et Morin réfutait mieux que les meilleurs arguments les fausses imputations si souvent portées contre les Français du Bas-Canada, savoir : que leur lutte était une lutte de race ; qu’ils étaient des hommes intraitables, guidés par leur seule haine du gouvernement établi ; et qu’il était impossible de former une administration contre laquelle ils ne fussent prêts à se ranger. »

En Angleterre et dans le Haut-Canada, la « loyauté » des Canadiens-Français envers la couronne britannique commençait à être comprise. Il était temps ! Nous aimons à citer quelques lignes d’une conférence du rédacteur du Canadien sur ce sujet tant de fois mal compris en haut lieu : « S’il y en avait, dit-il, qui vissent dans l’attachement que nous avons pour notre nationalité de la désaffection pour notre mère-patrie, il nous serait facile de les convaincre par les faits du passé, par les symptômes du présent, comme par les présages de l’avenir, que la meilleure et la plus forte garantie de permanence qu’ait la souveraineté britannique sur cette partie du continent américain gît dans la conservation de la nationalité canadienne-française. Au reste, notre nationalité c’est notre propriété : en cherchant à la conserver, nous ne faisons qu’user de notre droit que nous tenons de l’auteur même de toutes choses. Ainsi — Dieu et mon droit, et honni soit qui mal y pense. »

Dans un pays constitutionnel, deux partis se combattent. Chacun d’eux renferme un certain nombre de sous-partis, ou sections ou nuances. Le Haut-Canada, en 1842, comptait comme groupe politique principal les libéraux ou réformistes, autrement dit les partisans des droits populaires dont Robert Baldwin était le chef ; dans ses rangs on voyait figurer les hommes qui avaient marché avec Mackenzie durant l’insurrection de 1837-38 et qui étaient les extrémistes, les radicaux du parti, visant au rejet de l’Angleterre, peut-être en vue de l’indépendance, peut-être dans l’espoir d’une annexion aux États-Unis — ce qui est plus probable. L’autre groupe important s’était formé parmi les U. E. Loyalists, désignés comme le Family Compact, ou les gens qui travaillaient dans leurs intérêts — pour la caste — pour leurs familles — sorte d’aristocratie hargneuse et égoïste avant tout. À eux se joignaient les employés publics et cette classe étrange qui existe partout ne voyant que le roi, ses volontés et celles de ses ministres. Ceux-là se nommaient conservateurs ; on les appelait tories ; par un renversement de mots, ils se disaient constitutionnels, attendu que la constitution de 1840 favorisait leur influence. Sir Allan McNab était leur chef.

Dans le Bas-Canada, les « canadiens » du temps de Haldimand et de la constitution de 1791 étaient devenus les « patriotes » ; après 1837, on les nommait « libéraux. » Ils marchaient