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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

tune de ses enfants. Fulton ayant fait naviguer un vapeur sur la rivière Hudson, en 1807, Molson partit pour l’Angleterre, cette même année, y acheta des machines et engagea des ouvriers pour construire à Montréal un navire de ce modèle. L’arrivée à Québec de cette merveille de l’art nautique enthousiasma la population. M. Molson lança, en 1811, le Swifture, puis en 1812 le Malsham et mit sur chantier, vers 1817, le Lady Sherbrooke. Son fils, nommé aussi John, né à Montréal, le 14 octobre 1787, était un intrépide et heureux pilote ; le premier, il navigua de nuit entre Québec et Montréal, alors qu’il n’existait ni bouées, ni balises, ni phares sur ce parcours. Plus tard il fit concurrence à son père, mais celui-ci le lia à sa société et de cette manière ils eurent quelques temps le monopole du fleuve entre leurs mains.

Sir James Craig, mal entouré, ne tarda pas à entrer en lutte avec le parti du Canadien. Les Chouaguens se portèrent de son côté, ce qui lui fit croire que le journal en question représentait les vues d’un petit nombre de mécontents et non pas de la masse de notre population. Le 14 juin 1808, M. Jean-Antoine Panet, président de la chambre, fut destitué comme lieutenant-colonel de milice. Cet acte de rigueur tendit tout à fait la situation. Alors commencèrent de la part du gouverneur une suite de tracasseries et de mesures violentes qu’il porta jusqu’à réprimander l’assemblée législative et à la dissoudre coup sur coup, espérant que les élections lui amèneraient des députés plus soumis ; mais toujours les mêmes hommes revenaient et demandaient davantage. Dans ces débats fameux, M. Pierre Bédard, reprenant les idées de Ducalvet, alla jusqu’à demander le ministère responsable. M. Papineau, père, reparut à la tribune et fit entendre cette grande voix qui déjà avait remué le pays. M. Louis Bourdages révéla un talent d’orateur de première force. M. P.-Dominique Debartzch surprit les Anglais par sa parole indépendante et mesurée. M. Denis-Benjamin Viger posa aux Chouaguens des questions savantes autant qu’habiles. M. J.-T. Taschereau s’éleva comme un patriote et un homme d’honneur contre les abus du pouvoir. Enfin le Canadien tonnait, sous la plume de ses rédacteurs — tant et si bien que l’on défendit de le recevoir dans certaines localités.

De tous les hommes qui brillaient alors dans l’enceinte parlementaire ou sur les hustings, le plus nouveau, le plus admiré, le plus étonnant était le jeune Louis-Joseph Papineau. Né à Montréal, le 7 octobre 1786, il avait étudié au séminaire de Québec. Élu par le comté de Chambly, en 1809, il se fit admettre au barreau deux années plus tard. Il arrivait en chambre précédé d’une réputation d’orateur et d’homme d’étude. On raconte que son premier discours fut pour combattre une motion soutenue par son propre père et qu’il enleva le sentiment des députés. Son père, qui était en même temps son meilleur ami, ne tarda pas à se retirer devant lui, sachant bien que la cause nationale avait trouvé un défenseur digne de devenir son champion en titre. De haute taille, d’un port majestueux, toute la personne de M. Papineau commandait l’attention et le respect. Ses manières affables, son geste engageant, sa conversation polie et admirablement soutenue, presque toujours enjouée, en faisaient l’idole de son entourage. Habile comédien, à la façon de tous les orateurs de talent, il s’animait devant le peuple et faisait passer sur son visage, dans sa voix, dans ses moin-