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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

dres mouvement les émotions qu’il voulait faire ressentir à ses auditeurs. Tout vibrait en lui et à sa vue l’enthousiasme gagnait les têtes. Tel était l’homme qui, au moment où les anciens orateurs atteignaient l’âge de la vieillesse, apparaissait pour leur succéder, en compagnie de cinq ou six autres jouteurs des plus vaillants.

Louis Bourdages était aide-major de la milice de Chambly en 1797. Huit ans plus tard il fut reçu notaire et entra au parlement. Au mois de mars 1806 appuyant une proposition de M. Bédard contre la Gazette de Montréal, il se révéla orateur ; plein de force et de ténacité, il combattit l’administration de Craig avec un courage qui effraya Ryland et qui porta celui-ci à soulever l’accusation de révolte contre les Canadiens. En 1808 il demanda la démission des juges qui siégeaient dans l’assemblée législative ou leur retraite de ce corps. Ses discours étaient véhéments et nourris. Sir George Prevost le fit colonel de milice ; il servit avec zèle durant la guerre, tant et si bien que ses électeurs lui refusèrent leurs suffrages par la suite. Vers 1822, il reprit en chambre sa position avancée. C’était un homme à coups de mains parlementaires, mais non un chef de parti. Il mourut en 1833 laissant une réputation de harangueur émérite.

François Blanchet, d’une famille établie en Canada durant la seconde moitié du dix-septième siècle et qui a fourni un évêque et un archevêque à l’église catholique, était né en 1776 à Saint-Pierre de la rivière du Sud. Après avoir fait son cours au séminaire de Québec, il alla étudier la médecine à New-York et y publia, en 1800, ses recherches sur l’application de la chimie à la médecine. De retour au pays il devint membre du parlement et fut l’un des fondateurs du Canadien. Le 14 juin 1808, le secrétaire Ryland lui adressa, au nom du gouverneur, une lettre le démettant de son grade de chirurgien de la milice de Québec, vu qu’il était « l’un des propriétaires d’une publication libelleuse et séditieuse, répandue par de grands efforts, dans la province, et qui est expressément destinée à vilipender le gouvernement de Sa Majesté, et de créer un esprit de mécontentement parmi ses sujets, aussi bien que la désunion et l’animosité entre les deux partis qui composent la population. » La même lettre fut adressée au lieutenant-colonel J.-A. Panet, au capitaine Pierre Bédard, au capitaine et aide-major J.-T. Taschereau, et au lieutenant J.-L. Borgia. On a dit de François Blanchet comme de Pierre Bédard, qu’il avait accepté une charge de ses persécuteurs ; la vérité est que, au jour du triomphe de ses idées, Blanchet fut nommé surintendant des hôpitaux de la milice, par Sir George Prevost qui, selon la curieuse expression de Michel Bibaud « opérait sur d’autres principes que Craig. » Il le fallait bien, car les principes de Craig menaient à la ruine ! M. Blanchet publia, en 1824, un appel au gouvernement britannique contre les conseils exécutif et législatif, qui servaient encore d’instruments aux gouverneurs et à l’oligarchie contre l’assemblée populaire. Il mourut en 1830, entouré du respect de tous.

Joseph Levasseur-Borgia, d’une famille italienne, avocat, réélu plusieurs fois député, avait la réputation d’être un homme de conseil. Bon patriote, il prit part aux débats qui intéressaient notre avenir national et sut se faire aimer de tous les partis.