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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

die. L’automne de 1807, nous le retrouvons chapelain des ursulines aux Trois-Rivières où il mourut en 1822. Très écouté de Mgr  Plessis, ses opinions inquiétaient beaucoup sir James Craig et H. W. Ryland son secrétaire. Il a laissé une grande réputation de sainteté.

La chambre ouvrit de nouveaux ses séances le 29 janvier 1810. Voici le sommaire des matières de cette session : — Les juges députés ; menaces de guerre ; dépenses et revenus de la province ; cinquantenaire du règne de George iii ; agent du Canada en Angleterre ; offre de la chambre de payer toutes les dépenses civiles. Cette dernière question effraya les conseillers du gouverneur qui, plus que personne, en comprenaient l’importance, car c’était leur enlever le maniement des deniers publics et par là le patronage. Sur cet article, les députés, même anglais, étaient certains de ne rencontrer qu’une voix approbative dans le pays. M. H. W. Ryland, secrétaire du gouverneur, et l’âme de toutes les machinations tramées contre les Canadiens, crut pouvoir parer le coup en partant pour l’Angleterre, où il espérait faire approuver sa politique.

Jean-Antoine Panet, renvoyé en chambre par ses électeurs et élu pour la sixième fois président, le 29 janvier 1810, se maintenait, comme une protestation vivante, contre l’arbitraire du gouverneur. Le 17 mars 1810, une escouade de soldats saisit les presses du Canadien. On arrêta en même temps MM. Bédard, Taschereau, Blanchet et Borgia, tous membres de la chambre. Des mandats furent lancés contre MM. Viger et Laforce, mais sans succès.

Si nous ouvrons les livres publiés encore récemment en langue anglaise et qui traitent de ces malheureux abus d’un pouvoir entêté et injuste, nous sommes surpris et peiné d’y voir des passages d’une allure sarcastique et tout en l’honneur de sir James Craig ou de ses aviseurs. De qui et de quoi s’agit-il au fond ? De principes de liberté chers à tous les gens de cœur ; d’hommes qui combattaient, au parlement et dans la presse, une oligarchie ; d’hommes qui avaient non seulement des idées élevées et généreuses, mais aussi le courage de les mettre au jour à leurs risques et périls. C’étaient des rebelles, dit-on. Quoi ! parcequ’ils ont devancé les Anglais en demandant la pleine jouissance des libertés anglaises ! Songe-t-on que leurs idées sont devenues celles des loyaux sujets anglais de ce pays ? Il n’y a pas ici de nuances ; il y a couleur tranchée. Ce qui est bon pour les autres races est bon pour nous, s’il nous plaît de l’avoir et si nous savons le prendre. Lorsque les Anglais veulent bien finir par épouser nos opinions, elles deviennent des vertus. Le plus étrange, c’est que leurs écrivains persistent de nos jours à blâmer les Canadiens d’avoir énoncé et — ce qui est mieux — soutenu ces mêmes opinions. Voyez 1837 ! on veut que ce soit un acte de rebelles Canadiens — et l’on se montre très fier des conquêtes accomplies par le sacrifice du sang et de la fortune de nos gens. Voyez l’insurrection de la Rivière-Rouge ! il n’y a pas un habitant de Manitoba qui ne se félicite du bien qu’elle a faite à cette province — mais on ne cesse de conspuer les courageux patriotes dont le programme « révolutionnaire » a formé la base de l’acte constitutif de Manitoba. Il est donc si pénible de devoir quelque chose à l’esprit français !

Citons ici une page de M. de Gaspé : « De toutes les victimes du gouvernement de cette époque, dit-il, monsieur le juge Bédard, avocat alors, fut celui qui endura sa captivité