Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VIII, 1884.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
75
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

de Kent avait tenté de faire donner la mitre à M. Pierre-Simon Renault, curé de Beauport, protégé de la fameuse comtesse de Saint-Laurent, mais le droit et le sentiment national l’avaient emporté. Un homme de tête, instruit, bon Canadien et habile diplomate, prenant la direction du clergé catholique du Canada, au moment où sir James Craig allait tâcher de réduire nos chefs dans l’assemblée législative, c’était une nouvelle réponse aux accusations d’incapacité formulées contre nous. La ferme contenance de Mgr Plessis, les paroles et les votes des Canadiens en Chambre, les articles irréfutables du Canadien déterminèrent M. Ryland à passer en Angleterre (fin de juin 1810) mais soit que les ministres eussent compris la situation, soit que le danger d’une guerre avec nos voisins eut modifié la politique impériale, Mgr Plessis garda le titre d’évêque de Québec qu’il avait pris récemment et s’en servit lorsque la guerre de 1812 éclata pour adresser à ses diocésains un mandement en faveur de la résistance contre l’invasion. Il reçut bientôt des lettres officielles qui le reconnaissaient comme évêque catholique de Québec et lui accordaient un traitement de mille louis par année avec un siège au conseil législatif. Sa juridiction épiscopale s’étendait depuis les îles du golfe Saint-Laurent aux Montagnes-Rocheuses. En 1818, il fut nommé archévêque de ce vaste territoire et il n’en poursuivit qu’avec plus d’ardeur les travaux commencés pour y asseoir l’Église sur une base ferme. Il encouragea de tout son pouvoir l’instruction collégiale, dans l’espérance de procurer des prêtres canadiens à son diocèse. C’est encore à présent le seul but de nos collèges ; il serait temps que l’on songeât à cette partie de la population qui n’est pas destinée aux ordres sacrés — mais on ne veut pas en entendre parler. La carrière laborieuse de ce prélat, sa constance dans les luttes qu’il lui fallut soutenir, le respect qui s’attache à son caractère d’homme privé et de prêtre éclairé, ont rendu son nom justement populaire. Il mourut en 1825.

François Noiseux était né à Québec, en 1748, et avait été ordonné prêtre en 1774. On le regarde comme le fondateur de la ville de Saint-Hyacinthe. Nommé curé aux Trois-Rivières (1796) où il devait demeurer jusqu’à sa mort (1834) il a déployé, durant cette dernière partie de sa carrière, les qualités dont la nature l’avait si richement doué. Au plus fort de ses luttes contre le parti canadien, le gouverneur Craig se préoccupait des opinions que pouvait exprimer M. Noiseux, conseiller ordinaire de Mgr Plessis. Comme il ne signait pas ses communications à la presse il nous a été impossible de les reconnaître au milieu des écrits du temps. Sa Liste des Prêtres de 1611 à 1823, est une œuvre de patience qui a été fort consultée. Il était arpenteur, levait des plans, et prenait part à l’administration de la ville comme un bourgeois actif et éclairé.

Jacques-Ladislas-Joseph de Calonne, né à Toulouse en 1743, ordonné prêtre en 1776, se lia intimement avec le parti de Beaumarchais et prêta son aide à cet auteur pour faire jouer ses pièces que Louis XVI voulait interdire. Son frère qui était ministre du roi, avait sur la presse des idées assez singulières : « l’artillerie, disait-il, est née avant l’imprimerie, pour mettre cette dernière à la raison. » Lorsqu’il fallut émigrer, l’abbé Calonne se réfugia à Londres et rétablit le Courrier de l’Europe. En 1799 il arriva missionnaire à l’île Saint-Jean ou du Prince-Édouard et jusqu’à 1806, visita en cette qualité le Nouveau-Brunswick et l’Aca-