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LES PIERRES QUI CHANTENT



EN 1882, un champenois du nom de Baudre faisait une tournée parmi nous, exhibant des morceaux de pierre suspendus à une corde et dont il tirait des airs fort jolis en les frappant des deux mains avec d’autres cailloux. Je lui fis dans la presse la réclame suivante : —

Les proverbes s’en vont.

Hier, nous disions : « malheureux comme les pierres, » mais c’était une illusion de nos sens abusés : les pierres ne sont pas à plaindre — elles chantent — je les ai entendues.

Vous allez dire que je badine. Pourquoi donc ? Parce que je viens jeter des pierres à vos vieux proverbes, dont la plupart sont démodés à faire peur ?

Eh bien ! les pierres chantent, prenez-en votre parti et écoutez leur musique.

Par exemple, je vous préviens que ce n’est point un piano que vous allez entendre. C’est beaucoup mieux et, de plus, c’est un joujoux qui ne se fabrique pas en vingt-quatre heures. M. Baudre a mis vingt-quatre années à rassembler les pièces de son instrument et c’est le seul qui existe — à moins que les hommes des temps primitifs, nos cousins d’il y a six mille ans, n’en aient enfouis