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Page:Sulte - Historiettes et fantaisies, 1910.djvu/22

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gination à revendre. Il nous affirme que sa musique était celle des hommes des premiers temps du monde — avant le déluge. Ceux qui étaient dans l’arche de Noë ne nous en ont rien dit, mais j’y crois fermement. Notre inventeur a pour lui la légende du silex, ce premier outil de nos grands-pères. Reste à savoir si, dès cette époque, on jouait les compositions de Rossini et d’Auber. Ce qui est certain c’est que la tyrolienne de Guillaume Tell et un passage des Diamants de la Couronne, interprétés par M. Baudre, rendent des points à nos artistes.

La statue de pierre de Memnon, que les historiens de l’antiquité ont voulu nous faire prendre pour une musicienne, n’était qu’une flûte à trois trous à côté de ces joyeux silex qui forment tout un orchestre. Je parie ma plume-fontaine que l’idole des Égyptiens n’a jamais chanté Vive la Canadienne avec un brio, un élan, un feu comparables à ces cailloux — mais aussi ce sont des pierres à feu — et elles nous viennent de la Champagne, du pied même des vignes qui nous ont transmis avec le goût du vin celui de la pierre à fusil. Dans ce monde, tout ce tient, n’est-ce pas ?

Si vous voulez m’en croire, lecteurs, vous irez les entendre. C’est la première et dernière fois que vous aurez devant vous des pierres qui chantent. Cet instrument si laid devient de toute beauté quand il nous parle à l’oreille. Vous aurez, sous forme de causerie, une intéressante explication que M. Baudre excelle à glisser entre chaque morceau de son répertoire musical.