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Page:Sulte - Historiettes et fantaisies, 1910.djvu/37

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anciens vous pilotent, vous glissent à l’oreille certains avis précieux. Vous apprenez aussi des nouvelles : tout s’est vendu fort cher au dernier encan chez M. Malapart, mais ne craignez rien, cette fois, les pronostics sont des plus engageants, l’on vous avertira, etc. Touchante fraternité ; qui compte sans les ruses de l’encanteur !

Une anecdote dont le héros fut Gérin-Lajoie, auteur d’Un Canadien Errant : — c’était à Ottawa par un avant-midi du mois de juillet. Notre promeneur s’arrête, fasciné à la vue du pavillon portant la double croix de saint George et de saint André qui flotte à la porte d’une grande maison de belle apparence. Il entre, examine la salle d’entrée, parcourt un étage, deux étages, trois étages ; puis, se voyant seul avec sept ou huit hommes qui circulaient dans le logis et mettaient les chaises en place, époussetaient les meubles, etc., il tira un livre des rayons de la bibliothèque et se plongea dans la lecture. Au bout d’un assez long temps, il s’adressa à l’un des hommes et lui dit :

— J’attends que ça commence ; mais voilà midi qui sonne…

— Ah ! monsieur, ce ne sera pas avant deux heures.

— Ne trouvez-vous pas que c’est un peu tard ?

— Pas du tout — la procession est en marche ; elle ne se terminera qu’à une heure.

— Procession ? À quel propos ?

— La procession des Orangistes. C’est aujourd’hui le glorieux 12 juillet. Ici est le quartier-général. À deux heures, l’assemblée des chefs et des comités.

Very well, thank you !

Et il est sorti en regardant de travers le drapeau qui l’avait conduit dans un sanctuaire orangiste, alors qu’il croyait avoir le bonheur et l’avantage d’entrer dans une salle d’encan !