Page:Sulte - Historiettes et fantaisies, 1910.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
DEPUIS CINQUANTE ANS


Dans l’ordre des choses artistiques, quel changement ! Nous avions des dessins quasi chinois, des colorations insensées, des formes qui ne disaient rien. Voilà que l’on nous offre de beaux modèles, d’après les œuvres de maîtres, des imitations présentables, des copies de choix. Les étoffes, les meubles, les bijoux s’adressent à l’esprit et au sentiment. Il y a un réveil de pensées dans nos industries de toute nature. Nous voyons plus de belles choses en un jour que durant une année autrefois.

J’ai vu, j’ai vu, j’ai vu telle époque où il n’y avait rien à voir. À présent, c’est comme au théâtre :


Je vois le soleil et la lune
Qui tiennent des discours en l’air.


Ceci est la satire de mon article, car je parle de ce que tout le monde connaît ; donc : discours en l’air.



Mais, n’allez pas croire que je vais m’arrêter ici ! Il me tombe sous la main un livre intitulé L’homme comme il le faut, œuvre du R. P. Marchal, et j’y trouve la description d’un type humain créé par l’extrême développement des affaires, depuis cinquante ans : l’aventurier de la Bourse. Ce type-là existait avant nous, comme la punaise à patate, mais il n’avait pas encore rencontré son aliment propre, dans une proportion convenable à ses capacités : il l’a maintenant et il prospère, pullule, s’étend, dévore, saisit, transforme une partie de notre société. Voici les paroles du Père Marchal :

« Doué de cette puissance d’illusion magique qui changerait en diamant les pierres du chemin, cet homme a foi