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LA BANLIEUE DE PARIS

d’honneur, je salue Louis XIV sur son grand cheval ; il demeure impassible, mon sang canadien fait un tour, je deviens hardi et j’apostrophe le roi :

— Tu ne me reconnais pas ? Parce que tu es coulé en bronze, te figures-tu que tu peux échapper à la présence de l’un de tes créanciers ? Tu as blagué les Canadiens en ton temps, et pour les adoucir, tes ministres ont formé à Versailles un musée qui porte notre nom : raquettes et mitasses — mais cela ne paye pas ta banqueroute de 1715 ; il reste à rendre compte du château de Versailles, bâti avec nos castors. Sire, vous nous devez plus que vous ne pesez et comme nous sommes bons princes, là-bas en Amérique, je vous donne quittance générale, à la seule condition que tous les Canadiens visitant Versailles soient reçus comme chez eux dans ces murs qu’ils ont payés. Est-ce entendu ? Oui — topez-là, mon roi, et sans rancune.

Voilà comment je traite avec les puissances. On a souvent besoin d’un plus petit que soi — et Louis XIV exerce encore un certain prestige sur le monde. Je lui enverrai une caisse de sucre d’érable.



À Versailles, j’ai un ami, Mauzaise — un drôle de corps. C’est lui qui se charge des fils des mandarins chinois qui vont en France apprendre l’art de rouler les diplomates de la République, depuis Thiers jusqu’à Loubet inclusivement. Ah ! si je vous racontais tout ce que je sais là-dessus — mais le Canada n’y est pour rien.