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papineau et son temps

Le tempérament d’un homme est subordonné à son caractère dans une organisation bien servie par ses organes. Le caractère de Papineau était celui d’un calculateur, non pas de ceux qui s’occupent de chiffres, mais de ce calcul qui consiste à mesurer la conséquence d’un fait, d’une parole, d’une proposition. S’étant donné pour mission de faire l’éducation politique du peuple, il savait prévoir, à longue ou à courte échéance, le résultat d’une démarche publique. Il ne mettait point de hâte dans ce qui devait nécessairement prendre un temps assez long pour s’accomplir, de même qu’il savait brusquer ce qui lui paraissait exiger une action immédiate. Sans la faculté de calcul qu’il possédait, il n’aurait pas pu tenir durant vingt ans une suite de campagnes électorales et de débats parlementaires comme il y en a peu dans l’histoire des colonies ou même de l’empire britannique. Vers 1837, il commit la faute de ne pas s’apercevoir qu’il avait déchaîné le lion populaire et que celui-ci était d’un tempérament à la fois nerveux et bilieux, ce qui implique la férocité.

Tel était l’homme qui, de 1817 à 1837, se maintint au premier rang d’une agitation qui a produit le réveil des idées coloniales actuelles. S’il n’eût pas existé, il est probable que nous en serions encore à vivre sous l’ancien régime, mitigé de quelque façon, mais certainement bien éloigné du « self-government ».