Page:Sur la Tombe de Huysmans, Collection des Curiosités Littéraires, 1913.djvu/15

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facile de croire en lui et que l’innombrable multitude des autres venus plus tard, portés sur la pente des siècles, cahotés dans les ornières fangeuses de l’histoire, écrasés par toutes les poussées homicides de la philosophie ou du scandale, ont dû avoir infiniment plus de mérite à livrer leur cœur et leur raison.

Tous les livres qui ont en eux un atome de puissance ou de générosité disent cela depuis une moitié de siècle. Ils le disent de façon ou d’autre, souvent même sans s’en apercevoir, car c’est le tressaillement profond de la terre, comme si quelque chose d’immense et d’inouï approchait enfin.

Jamais, en effet, les théories humaines n’avaient sonné aussi creux ; jamais les formules d’art n’avaient été plus exaspérées et plus vaines ; jamais le sentiment religieux n’avait subi un si prodigieux déchet ; jamais le riche n’avait été plus égoïste, plus naïvement cruel, et le pauvre plus férocement impatient ; jamais, enfin, il ne s’était préparé par la guerre ou par le sordide trafic de toutes les facultés de l’être pensant, une terre moins tenable et une humanité plus démoniaque.

Voilà, en toute vérité, ce qui se dégage de l’étonnant livre de Huysmans, naturaliste naguère, maintenant spiritualiste jusqu’au mys-