Page:Sur la Tombe de Huysmans, Collection des Curiosités Littéraires, 1913.djvu/22

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« Ce siècle a horreur de la page écrite. » Le plus grand penseur de la terre — à supposer qu’un tel monstre pût naître viable avec une seule tête — se coulerait et se fricasserait lui-même à jamais, s’il s’avisait, une seule fois, d’écrire avec éloquence. Telle est la norme fatidique, inéluctable !

L’insuccès du nouveau roman de Huysmans est donc assuré, — princièrement. Le pessimisme de l’auteur a dû l’y préparer, et l’homme d’A Rebours est, sans doute, invulnérable à tout juvénile espoir d’une justice littéraire décernée par les contemporains du gros Sarcey. Il se satisfait heureusement d’écrire pour l’intactile pincée d’artistes que l’ammoniaque républicain n’a pas encore suffoqués. Il suffit de lire deux pages d’En Rade pour que l’évidence de ce parti pris éclate. Jamais on n’alla aussi loin dans le dégoût de la vie, dans le vomissement de ses frères et, en même temps, jamais une aussi totale satiété de la farce humaine ne fut exprimée dans une aussi glaciale ironie !

A Rebours, certes, est dépassé. La nouvelle œuvre est non seulement plus amère encore, plus désolamment négatrice de toute joie terrestre, mais le style même s’est affiné, paraffiné, sublimé, jusqu’à ressembler à cet effrayant métal qui re-