Page:Sur la Tombe de Huysmans, Collection des Curiosités Littéraires, 1913.djvu/23

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frène les virus infâmes quand il est dans son état fluide, et qui, solidifié par un froid atroce, devient un projectile capable, dit-on, de percer des madriers.

Seulement les âmes contemporaines sont matelassées d’une épaisse toison de bêtise impénétrable à n’importe quelle balistique de l’Art. D’ailleurs, en admettant, une minute, que la forme et la couleur de ce livre surprenant pussent être acceptées d’un tel public, il resterait encore les idées et les sentiments qu’aucune suggestion ne pourrait lui faire endurer. L’intensité de l’écrivain chez Huysmans est, surtout, dans son mépris. Il ne faut pas chercher ailleurs. Ce mépris, le plus complet qu’on ait jamais pu rêver, n’a besoin d’aucun exutoire spécial, ni d’aucune gueule cratériforme, pour se répandre. L’auteur bien connu d’A Rebours n’a pas du tout les allures ignivomes d’un imprécateur, et le flux torrentiel d’une verte bile n’est, en lui, que l’illusion littéraire de quelques vanités ombrageuses que, pacifiquement, il tarauda. Indéconcertable et frigide, il spute, sans émotion, sur les plates-bandes variées où s’épanouissent les puantes fleurs des incomestibles légumes de l’art moderne, et voilà tout ce qu’il veut s’accorder, cet inemballable contempteur. Mais Dieu sait que cela suffit !