Page:Sur la Tombe de Huysmans, Collection des Curiosités Littéraires, 1913.djvu/30

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de l’âme ?… Surnaturelle pour les uns, terrestre pour les autres, elle semait indifféremment la conviction dans la Mésopotamie des âmes élevées et dans la Sologne spirituelle des idiots ; elle caressait chacun, suivant son tempérament, suivant ses illusions et ses manies, suivant son âge, s’offrait à sa concupiscence de certitude, dans toutes les postures, sur toutes les faces, au choix. »[1]

Il y en a trois, cauchemars, dans cet anormal roman, cauchemars ou rêves. D’abord, l’évocation d’un palais biblique, réfulgent de toutes les gemmes orientales et rempli de la terrifique majesté d’un Roi solitaire, aux pieds de qui, tout à coup, s’élève une vierge frêle, « auréolée d’un halo d’aromes », une fleur de chair, exquise, mélancolique à force de beauté, presque surhumaine, dans laquelle il plaît au songeur de vérifier Esther en présence de son vieux monarque, dont elle seule aura le pouvoir d’agiter le sénile cœur ; ensuite, un voyage d’exploration aux arides et lumineuses sierras de la Lune, « dans cet indissoluble silence qui plane, depuis l’éternité, sous l’immense ténèbre d’un incompréhensible ciel ». Cet épisode bizarre est un tour de force littéraire inconcevable, d’une perversité de langue inouïe, mais jamais on ne vit une volonté plus implacable de contrevenir aux comminatoires injonctions de l’Infini.


  1. Ego sum Veritas, dit Jésus. Huysmans, devenu chrétien, a-t-il senti l’énormité de son blasphème ? L. B.