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On s’éveille, on s’élance et l’on se heurte en foule :
L’un prend un roc tranchant qu’avec effort il roule,
Le soulève, le lance, et le roc un instant
Plane comme un nuage ; interdit, haletant,
L’homme d’armes pressé, contenu par son frère,
Voit la mort sans pouvoir faire un pas en arrière.
(Que le récit est lent ! que le trépas est prompt !)
Plus les rangs sont serrés, mieux le rocher les rompt.
Sa chute au milieu d’eux ouvre un cercle effroyable.
Sur tous les points la mort se montre impitoyable.
Ici, le froid acier ; plus loin, d’ardents brandons ;
Là, fort comme Samson, bravant flêches, angons,
L’un saisit une échelle et la pousse : l’échelle
Reste un moment debout, perd son aplomb, chancelle
Et tombe, en entraînant ces avides soldats
Dont le choc et les cris font un affreux fracas ;
L’autre perce le cœur ou fait voler la tête
De quiconque des murs ose atteindre le faîte.
Mais, hélas ! tant d’efforts ne les font pas ployer.
Les Normands, recouverts d’impénétrable acier,
Font de leurs boucliers un long dos de tortue,
Rempart que n’ouvrent pas le fer ni la massue.
Ils se poussent ainsi, se soutenant entre eux,
Se hissant sur un mur où le bélier affreux