d’abord que les eaux, pendant les crues, formeront au passage du pont un remous, c’est-à-dire que la superficie du fluide prendra la pente qu’on n’a pas pu donner au fond du lit. Ensuite, comme le pont est supposé placé plus bas que la section observée, il est probable que le torrent aura, dans le trajet, perdu ses plus grosses alluvions : il exigera donc, pour emporter le reste, une pente moindre.
Si l’on recherche les données qui découlent de l’expérience des ponts déjà construits, on remarque que leur ouverture dépasse rarement 10 m, et sur des lits dont la largeur est souvent cent fois plus considérable. Cela s’explique aisément, lorsqu’on connaît les causes de cette largeur démesurée — La hauteur du débouché est également assez petite. Les torrents les plus redoutés passent sous des ponts dont l’élévation, au-dessus du fond du lit, ne dépasse guère 3 mètres. — L’hydraulique rend compte de ces faits, qui se peuvent remarquer aussi sur la Durance et sur le Buëch[1].
— On peut dire en général qu’il est bon de donner aux ponts la plus petite section de débouché possible, parce qu’on détermine par là une chasse violente, dont l’effet sera de creuser le lit. Une trop grande section favoriserait au contraire l’exhaussement, contre lequel il n’est point de remède.
Il est arrivé sur plusieurs torrents que les constructeurs, s’effrayant de la largeur du lit, ou trompés par la bifurcation du courant, ont pris le parti d’élever deux ponts à la fois[2]. Ce système, qui semble devoir donner plus de sécurité au prix d’une plus forte dépense, est tout au contraire aussi vicieux qu’il est dispendieux. Partout où il a été mis en usage, l’un des ponts a fini par être obstrué, et la masse des eaux a passé tout entière sous l’autre, dont le débouché, calculé pour une seule branche seulement, se trouve ensuite trop petit pour les branches réunies. Ces faits montrent la nécessité de resserrer autant que possible le champ des eaux, et confirment ce que nous avons dit sur le danger des débouchés trop spacieux.
Par le même motif, il faut éviter l’emploi des piles, qui ont de plus l’inconvénient de donner prise à l’affouillement, et exposent ainsi le pont à une double chance de destruction.