Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/180

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    d’Embrun et de Briançon, que M. Jousse de Fontanière, inspecteur des forêts de ce » deux arrondissements, vient d’adresser à son administration.

    Ce travail, rédigé par un homme très-compétent et dévoué à ses fonctions, qui, après avoir lutté pendant longtemps contre les innombrables difficultés de son service, succombant sous la lâche, prend enfin le parti de demander du secours, ce travail mérite de fixer l’attention de l’État sur l’avenir effrayant réservé à ce département. — Je transcris ici les propres termes de M. Jousse, qui ne sont pas moins explicites que tous ceux que j’ai déjà cités :

    — « De tout ce qu’on vient de dire, on conclut que le département des Hautes-Alpes est celui de toute la France dont les cultivateurs sont le plus menacés dans leur fortune, et qu’ils seront, plus tôt qu’on ne le pense, forcés d’abandonner les lieux qu’habitèrent leurs ancêtres ; et cela, par suite de la destruction du sol, qui, après avoir nourri tant de générations, cède peu à peu la place aux roches stériles.

    » La ruine des forêts sera la principale cause de cette calamité. Leur disparition des montagnes livrera le sol à l’action des eaux, qui l’entraîneront dans les vallées ; et les torrents, devenant de plus en plus dévastateurs, enseveliront sous leurs alluvions de vastes terrains, qui seront pour toujours enlevés à l’agriculture.

    » Les coteaux, dénudés de leurs terres végétales, ne permettant plus l’infiltration des eaux, elles s’écouleront rapidement à la surface du sol. Alors les sources tariront, et la sécheresse des étés n’étant plus tempérée par les arrosages, toute végétation sera détruite.

    » Les éléments de destruction naissent ainsi les uns des autres, et il suffit d’observer ce qui se passe aujourd’hui pour prédire ce qui arrivera infailliblement dans quelques siècles. Quand les forêts auront enfin totalement disparu, le feu et l’eau, ces deux premiers éléments de la vie, manqueront à ces contrées désolées.

    » La cupidité des habitants de ces montagnes, leur ténacité dans les vieilles habitudes, ne permettent pas d’espérer qu’aucune conviction morale de cet avenir désolant frappe assez vivement leur pensée pour les engagera quelques sacrifices momentanés. C’est donc à l’administration, plus éclairée sur l’état des choses et sur leurs conséquences, à combattre le mal par des lois mieux appropriées aux besoins du pays. »