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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/98

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Mais plusieurs considérations rendent cette donnée moins positive qu’elle ne paraît l’être au premier aperçu.

D’abord, qu’on se rappelle ce qui a été dit au sujet des laves. Celles-ci se déposent sur toutes sortes de pentes. — Ainsi les mêmes matières, amenées par une eau de plus en plus boueuse, se déposeront sur des pentes de plus en plus rapides : et je n’oserais pas fixer une limite précise, qui fût sûre sans être trop exagérée[1].

Ensuite l’examen des matières déposées dans le lit n’enseigne rien sur la manière dont elles y ont été amenées, et cette manière est pourtant importante à connaître. On n’a devant les yeux que les traces d’un phénomène déjà accompli ; on ignore ce qu’est le phénomène en action. Il est certain, par exemple, qu’une action plus prolongée et moins violente serait, dans le cas de l’encaissement, beaucoup moins à redouter qu’une action subite et de courte durée, qui jetterait inopinément dans le chenal une masse énorme de matières. Pourtant le résultat des deux actions pourrait être le même, si elles amènent dans le lit le même cube d’alluvions. La seule différence est dans la durée de l’action, et cet élément n’est pas donné par l’inspection des matières. Pour être fixé sur ce point, il faudrait avoir assisté soi-même à une crue ; sinon il faut en admettre le récit tel qu’il est fait par des témoins dignes de confiance.

Quelquefois aussi les matières sont apportées par une très-petite quantité d’eau, qui n’a plus la force de les pousser, une fois qu’elle est sortie de la gorge, lors même qu’elle tombe sur des pentes rapides[2].

Une autre considération est dans la direction que l’on pourra donner au torrent encaissé : si elle est rectiligne, elle favorise l’entraînement ; tourmentée et sinueuse, elle provoque des dépôts.

Une donnée non moins essentielle résulte de l’inspection du bassin de réception. C’est de là que sort le mal : c’est donc là qu’il faut l’étudier. — Il y a de ces bassins qui sont dans un si épouvantable état de décomposition, dont les berges sont tellement pendantes, et les rives tellement crevassées, que leur seul aspect suffira pour anéantir toutes les espé-

  1. À Chorges, la lave se dépose sur une pente de 0,08 m. — Sur le Devizet, la pente du dépôt est encore plus forte.
  2. Tels sont les torrents blancs, qui finissent par déposer sur des talus de 3 mètres de base sur 2 mètres de hauteur, c’est-à-dire sur des pentes de 0,66 m par mètre.