Page:Susejournaldes00dieu.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
À SUSE.

— Vous pouvez compter sur nous, » répondirent-ils sans même se consulter du regard.

Marcel, prenant alors la plume, écrivit de sa plus belle encre au gouverneur :

« Excellence,

« Je vous remercie infiniment de la communication que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser. Malgré tout le plaisir que j’aurais à passer quelque temps auprès de vous, il m’est impossible de lever mes tentes en ce moment. Mon départ ressemblerait à une désertion.

« Je vous l’ai promis, aucun membre de la mission française ne s’approchera du tombeau de Daniel ; mais si je tiens mes engagements, je compte sur vous pour protéger et faire respecter les envoyés d’un gouvernement ami de la Perse. Écrivez dans ce sens au mouchteïd, et ce chef religieux profitera certainement de l’occasion qui lui est offerte d’être agréable à Sa Majesté Impériale.

« Veuillez recevoir, etc. »

Puis, comme l’arrivée d’un courrier émotionnait nos pusillanimes ouvriers, toujours enclins à rêver de chaîne au cou, de pieds endoloris, de nez ou d’oreilles délicatement supprimés, mon mari fit appeler Ousta Hassan : « Ce soir même tu vas partir pour Dizfoul ; tu ramèneras autant d’ouvriers que tu en pourras embaucher : cent, cinq cents, mille. Les travaux jusqu’ici n’ont été que jeux d’enfants, un simple début. À ton retour j’aurai tracé des excavations nouvelles. » — Ousta Hassan, alléché par les bénéfices qui arrondissent tous les soirs son escarcelle, a pris de son pied léger le chemin de la ville.

15 mars. — Aucune découverte n’est venue calmer nos inquiétudes. Quelques ossements se sont montrés blanchissants sous la pioche ; comme on leur assurait une sépulture, — sera-ce la dernière ? — les ouvriers mettaient à jour une potiche de terre cuite, haute de soixante-cinq centimètres et fermée par un boulet de pierre.

« Un trésor ! De l’or, de l’argent, des pierres précieuses ! » s’est écrié Mirza Abdoul-Raïm, accouru sur l’appel d’un soldat espion payé par l’espionné.

Ni l’un ni l’autre assurément, mais le crâne intact et les os disjoints d’un bonhomme dont les derniers souhaits ne furent pas, j’imagine, de figurer à titre de pièce rare dans un musée du Faranguistan.

Quel fut le culte de cet ancêtre ? À quelle race appartint-il ?

Sous le règne des Achéménides, les cadavres des disciples de Zoroastre étaient déposés dans un dakhma et livrés aux oiseaux de proie ; d’ailleurs les palais de Suse, alors dans toute leur splendeur, n’eussent pas servi de cimetière. Les Sassa-