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À SUSE.

avec amertume de Mirza Abdoul-Raïm. Cet honnête homme, installé auprès des Dizfoulis, exige de chacun d’eux, sous peine du bâton, une redevance journalière de quatre pouls, soit environ dix centimes. Nul jusqu’ici n’a osé résister, mais tous assurent qu’ils abandonneront les chantiers plutôt que de verser une partie de leur salaire entre les mains d’un tyran dont les prétentions croîtront chaque jour en proportion de leur faiblesse. Marcel, fort ému, est aussitôt rentré et a fait comparaître le mirza.

Après une verte semonce, mon mari, peu soucieux de se brouiller avec ce cauteleux personnage, lui offrit un traitement équivalent aux bénéfices illicites qu’il prélève sur les ouvriers, sous promesse de laisser en paix nos malheureux protégés.

« Me croyez-vous capable de manger le pain de ces pauvres gens ! Qu’on me pende par les oreilles, qu’on m’attache une corde autour du cou s’il y a un mot de vrai dans ces bavardages nauséabonds ! Les Dizfoulis, je le confesse, m’ont offert, suivant l’usage, un pichkiach journalier, qu’ils eussent été heureux de me faire accepter ; mais je l’ai refusé avec horreur. Ainsi je fais de vos propositions. Mon père était de grande famille, je suis de race noble et colonel ; vous m’humiliez profondément en suspectant mes meilleures intentions ! Vous me blessez dans ce que j’ai de plus cher : mon honneur de soldat et de gentilhomme (doouletman). »

Ce soir, au moment de la paye, les plaignants étaient réunis autour des tentes. Le mirza s’est avancé le front haut, la mine fière et, comme il convient à un noble colonel : « Qui de vous ose prétendre que je m’attribue une partie de son salaire ? Qu’il se montre, cet infâme calomniateur !

— Nul n’oserait porter une accusation aussi fausse, » ont répondu les ouvriers, tremblants à la seule pensée de la bastonnade qui attend leurs pieds dès la rentrée au gabr.

En résumé, Abdoul-Raïm est sorti de cette épreuve blanc comme neige, pur comme l’enfant qui tête le sein de sa mère, mais fort aigri contre nous.

Cependant il importait de retenir les terrassiers ! La crise était d’autant plus malencontreuse que le déblayement devient tous les jours plus laborieux.

Les couches d’argile résistante rencontrées au-dessous des maisons arabes ou sassanides ne forment pas une strate continue, mais occupent des zones bien limitées. Aussi les tranchées s’approfondissent-elles irrégulièrement. Quelques amorces, C, atteignent 1m, 40 ; d’autres sondages, B, descendus à 2m, 30, ont mis à découvert de grandes briques posées sur un lit de cailloux fort épais, sorte de radier qui paraît s’étendre d’une manière uniforme sous le palais et ses dépendances.

Le carrelage est réglé au niveau de l’arête supérieure des dalles énormes sur lesquelles reposent les colonnes de l’apadâna achéménide.

Excepté ce dallage, mis à nu sur presque toute la longueur de la tranchée B, on