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À SUSE.

« J’ai passé ma journée entière à chercher le sommeil pour te voir dans mes rêves et le sommeil n’est pas venu.

« Et comment se résigner loin d’une belle à la taille flexible qu’on ne peut sans être injuste comparer à un paon.

« C’est lui faire injure que de dire qu’elle est un saule planté dans les jardins célestes.

« C’est une injustice que de lui donner pour égale la perle qui se cache au sein des mers. »

La contemplation et l’air pur du désert ne sauraient être les aliments exclusifs d’une race. Si l’homme ne vit pas seulement de pain, encore lui en faut-il. Écorcher le sol avec un mauvais socle de bois tiré par des animaux de taille et de race différentes, confier une claire semence à des champs de configuration bizarre, creuser au printemps des rigoles d’irrigation aboutissant à un canal venu du fleuve voisin, noyer les céréales dès les premières chaleurs, suffisent, avec l’aide de Dieu et du soleil, pour donner au cultivateur trente fois la semence. L’aide du ciel n’y faut pas, car les Arabes ont des intelligences évidentes avec Allah. Quant au soleil, on peut s’en fier à son zèle. Mais il arrive parfois que des voisins, passant avec leurs troupeaux, sortent des limites qui leur sont tracées, et ne se font nul scrupule de faire paître les champs du prochain. La tribu lésée s’assemble, arme, tâche de s’approprier les auteurs irresponsables du délit et vole de préférence les troupeaux de buffles, car les gavmich (bœufs-moutons), d’humeur essentiellement aquatique, traversent, sans demander la main, les fleuves qui coupent le pays et mettent ainsi, ô les ingrats, une barrière difficile à franchir entre leurs anciens maîtres et les nouveaux.

Ces razzias sont la source de véritables guerres. Tandis que les buffles volés par les uns, repris sans ménagement par les autres, vont grossir le trésor d’un troisième larron, qui est en général le gouverneur de la province, les vendetta se perpétuent et entretiennent les habitudes belliqueuses des nomades.

Un sport très noble est encore le pillage des caravanes qui traversent le désert dans la direction de Bassorah et d’Havizè. Pareil exercice est malheureusement limité. Sous peine d’éloigner les négociants persans, indispensables aux Arabes pour acheter et évacuer les laines, les peaux et le beurre, quelques grands chefs se sont vus contraints de protéger, contre rançon s’entend, les conducteurs de convois. Malheur à qui essaye de s’exonérer du péage ou traverse le pays à ses risques et périls !

Bien que les Sémites aient occupé de toute antiquité la rive droite du Tigre, ils ne se sont jamais fixés en Susiane d’une manière durable.

La tribu de Cheikh Ali, qui nous fournit nos ouvriers, se dit originaire du Nedjd et ne fait pas remonter au delà deux cent cinquante ans son arrivée dans la plaine située entre le Karoun et la Kerkha.