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À SUSE.

pareil sacrifice. Tous les yeux étaient orgueilleusement fixés sur ce petit phénomène de saleté ; je me suis exécutée : mes lèvres en frémissent encore.

La conversation n’est guère animée quand on a pour partenaires des hommes dont l’esprit est peu ouvert, l’intelligence bornée et la curiosité nulle ; je laisse à penser ce qu’elle devient avec les femmes. Le croirait-on ? elle roule encore sur la toilette et les bijoux !

FEMME ARABE DE LA TRIBU DE CHEIKH ALI.

Mme Kérim Khan veut me montrer ses trésors. Où sont-ils cachés ? Je donne en mille à le deviner. « Levez-vous, » me dit une servante. J’obéis. On retire le tapis, la natte de paille, et j’aperçois une petite planche ; on la soulève ; alors apparaît, au fond d’un trou creusé dans la terre, une boîte et quelques paquets de chiffons. Mon hôtesse, assise ou couchée sur ses richesses, les défend de tout son poids contre les indiscrétions de ses amies.

Les paquets contiennent des vêtements froissés. Ces oripeaux m’appartiennent et l’on persiste d’autant mieux à m’en faire cadeau que mes refus sont plus catégoriques. Enfin Bibi, désormais sûre de ma délicatesse, m’offre sa culotte de velours à demi usée (les culottes de velours ne durent pas toujours). C’est le comble de l’amabilité. On ouvre le coffre : il renferme des colliers de corail rouge dont les grains sont séparés par de minces sequins frappés en Arménie à l’effigie de saint Michel combattant le dragon. Je vois encore des bracelets d’ambre, quelques thalaris de Marie-Thérèse, puis d’énormes anneaux de nez enrichis de turquoises et de perles.

En mon honneur, les jeunes parentes du Khan se sont parées de leurs joyaux ; l’une d’elles, aux grands yeux noirs, à la peau mate, au type fin et distingué,