Aller au contenu

Page:Susejournaldes00dieu.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
À SUSE.

4 avril. — Les perturbations atmosphériques qui accompagnent l’équinoxe de printemps, peut-être aussi les marées lunaires, occasionnent de continuelles alternatives de pluie et de beau temps. Les récoltes sont noyées ; les fleuves abandonnent leur lit pour courir la plaine ; les maisons de Dizfoul s’écroulent ; une arche du pont de Chouster a été emportée.

Les tranchées L du tumulus nº 2 sont devenues si profondes, partant si dangereuses, que Marcel les a momentanément abandonnées en faveur de deux nouvelles fouilles F et H, dirigées vers la dépression centrale du même tumulus. Pour ma part j’ai hérité d’une cinquantaine d’hommes. Ce renfort m’a permis d’atteindre l’éboulis qui s’étend parallèlement à la façade du palais, à soixante mètres en avant du portique méridional.

Après avoir déblayé la couche de terre supérieure et nettoyé le filon sur trente-six mètres de longueur, j’ai renvoyé les ouvriers devenus inutiles, et conservé six d’entre eux, choisis parmi les plus intelligents. Quels terribles soucis me causent la découverte et l’enlèvement des émaux ! Chaque bloc, brisé quelquefois en sept ou huit fragments, est dégagé avec la pointe du couteau, dessiné sur un papier quadrillé, déposé dans une corbeille au fond de laquelle on jette un numéro d’ordre, et prend le chemin du camp. Les frises, trop encombrantes, sont empilées sous le capar, faute de meilleur abri ; les émaux en relief s’entassent dans notre tente, où nous avons pendant les jours de pluie le loisir de les débarrasser des gangues adhérentes et de reconstituer un magnifique lion dont le corps se profile sur un fond bleu turquoise. Le modelé savant, la coloration harmonieuse mais fantastique de l’animal, décèlent un art d’une puissance et d’une originalité indicibles.

La robe est blanche, la crinière verte, le ventre orné de poils bleus ; les poils de la moustache sont bleus et jaunes, les muscles de l’épaule indiqués par des masses bleues, ceux de la cuisse par une tache jaune cernée de bleu. Les articulations sont jaunes, bleues ou vertes, les griffes uniformément jaunes.

Le fauve marche avec calme et s’appuie sur d’énormes pattes dont on sent la féline souplesse ; la bouche, féroce, largement ouverte, laisse apparaître la langue et les dents. La queue, terminée par un pompon jaune, est fièrement retroussée sur les reins. La ligne du dos dénote la force. L’attitude d’un animal toujours prêt à bondir est saisissante de vérité.

Ce merveilleux tableau, compris entre deux litres fleuronnées, est surmonté de marguerites et d’un crènelage.

Des moellons artificiels roses et gris s’étendaient au-dessous de la litre inférieure et devaient former une mosaïque très calme, bien faite pour mettre en valeur les vives couleurs des émaux.

Enfin nous avons retrouvé des inscriptions cunéiformes blanches sur fond