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À SUSE.

possession du papier timbré au sceau de Mozaffer el Molk ? À part les communications qui me seront adressées en français, par l’intermédiaire du docteur Moustapha, je ne tiendrai compte d’aucune dépêche. »

17 avril. — Un des casseds envoyés à Amarah est rentré dans sa tribu. Il a perdu nos lettres en franchissant le hor, comme le prévoyait trop bien le mirza, et, avec nos lettres, son camarade, dont il ne peut donner aucune nouvelle.

La vérité n’a que faire de cette fable absurde. Dès son retour, Abdoul-Raïm lançait quatre cavaliers loris à la poursuite de nos piétons. Ceux-ci ont été bien vite rejoints ; l’un fut roué de coups et laissé pour mort dans le désert, l’autre prit la fuite, après avoir jeté les lettres, qui parvinrent fidèlement au colonel. Nous tenons cette nouvelle de quelques Arabes Beni-Laam, venus à Suse pour escorter la fille de leur chef M’sban, une charmante femme, que le désir de me voir avait attirée dans nos parages.

Marcel pria M. Houssay de partir pour Ahwas et de porter plainte au gouverneur. Lorsque Mçaoud demanda les chevaux loués depuis bientôt deux mois, les palefreniers déclarèrent que leur maître, Kérim Khan, avait interdit de seller ces animaux dès qu’il ne s’agirait plus d’une simple promenade autour des tumulus.

Les ouvriers loris ont été renvoyés sur-le-champ ; mais le cercle où nous enserre Abdoul-Raïm se rétrécit sans cesse. La mission va se dédoubler : MM. Babin et Houssay garderont le camp et nous partirons tous deux, fût-ce à pied, pour demander protection au chef de la tribu turque des Beni-Laam et entrer, par son intermédiaire, en relation directe avec Téhéran et Paris.

Notre geôlier, qui n’ignore pas l’aimable démarche de la fille de M’sban, a paru fort épouvanté de ces menaces : il nous sait capables de les mettre à exécution. Comme Achille, il s’est retiré sous la tente, tandis que Patrocle, ou plutôt son domestique, prenait au triple galop le chemin de Dizfoul. Patientons encore quelques jours.

18 avril. — Les soucis et leurs sombres enfants ont cédé le pas aux émotions les plus douces. Nous tenons une piste nouvelle. Tout serait au mieux, si chaque découverte n’éveillait en nous des sentiments analogues à ceux de l’avare couvant un trésor. Nos richesses s’amoncellent, et avec elles grandissent les craintes de ne pouvoir les emporter.

Les ouvriers qui déblayent les murs L de la fortification ont trouvé une urne funéraire, encastrée dans une gaine de maçonnerie. Les briques de calage apparurent couvertes d’un émail admirable. Voici des lèvres minces, une barbe bleuâtre sertie d’un filet blanc, un cou d’un beau noir, des mains brunes et deux mains blanches de grandeur naturelle arrachées à des personnages magnifiquement vêtus. La perfection du modelé, l’éclat des teintes, leur harmonie, dénotent un art délicat, une technique très avancée. La pâte est plus fine, plus