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À SUSE.

hâte fébrile et, le reste de la nuit, halèrent, ramèrent et gaffèrent sans se faire prier.

23 mai. Amarah. — Nos chères caisses, que nous avions traînées si misérablement à travers les déserts anhydres et les marais fangeux pour les disputer aux sectaires persans, sont entre les mains des douaniers turcs. Comme nous entrions à Amarah, les colis ont été saisis, malgré nos protestations, et transportés dans les magasins de l’État. Avant de les retirer, nous devrons verser un droit de transit et un bakhchich évalués à une bagatelle de cinq mille francs.

JUGE TURC.

Au sortir de chez le gumruktchi bachy (douanier en chef), vilain monsieur, vilaine tête, Marcel courut chez le juge, sans découvrir une formule conciliatoire. Le consul de Bagdad, prévenu par dépêche, se rendait, de son côté, chez le gouverneur Takied-din Pacha, l’instigateur des massacres d’Alep. Le valy renchérit sur les prétentions de ses subordonnés. Il osa prétendre que le contenu des cinquante-cinq caisses provenait de fouilles exécutées en terre turque et devait faire retour au musée de Constantinople. Néanmoins nous fûmes autorisés à transporter les faïences à Bassorah, où elles seront soumises au conseil de l’instruction publique, chargé de décider de leur provenance, de leur valeur et de leur sort.

Les colis ont été embarqués sur le vapeur anglais qui fait le service du Tigre et nous les avons escortés jusqu’à Bassorah. Fort de son bon droit, Marcel comptait profiter de la nuit pour les porter sur un petit vapeur français en partance pour Marseille ; mais une canonnière turque croisait sur le fleuve, avec ordre de couler tout canot qui tenterait d’enlever nos trésors.

Chaque caisse a été cordée, scellée au cachet du vice-consulat de France et déposée en douane ; puis, le cœur bien gros, nous sommes montés à bord du Normand. Il s’agit de regagner la France au plus vite, afin de réclamer de la Sublime Porte la restitution des objets saisis contre toute justice.