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MASCATE.

Mascate : les fortifications de la ville, analogues aux enceintes construites par les ingénieurs de la Renaissance, tours, courtines, créneaux, rappellent à mon esprit ces temps glorieux pour la marine européenne où Albuquerque soumettait les villes du littoral de la mer des Indes depuis Goa jusqu’à Aden, et plantait dans tous les ports le drapeau portugais.

Bien que sujette d’Ormuzd, Mascate était déjà une place importante quand le grand capitaine s’en empara (1507). Les Arabes, marins habiles, soldats courageux, se défendirent longtemps contre l’ennemi de la patrie et ne se soumirent qu’après avoir fomenté une insurrection éteinte dans leur sang. Plus heureuse qu’Ormuzd, Mascate échappa aux convoitises de Chah Abbas, profita de la destruction de la grande colonie portugaise, tombée entre les mains du roi de Perse, accapara le mouvement commercial établi entre les Indes et l’est de l’Arabie et s’enrichit des dépouilles des vaincus.

Les Portugais possédèrent Mascate jusqu’en 1648. À leur sollicitude sont dues les fortifications qui défendent la ville contre toute attaque venant de terre ou de mer, les chemins couverts creusés entre les différents ouvrages, et, dans un ordre d’idées pacifiques, ces églises, ces édifices publics, ces palais de pierre, délabrés aujourd’hui, mais encore pourvus d’huisseries dont les sculptures et les garnitures de clous ciselés semblent venir de Grenade ou de Tolède.

La domination portugaise devint dure dès que la métropole cessa d’être puissante. Il faut être fort pour se montrer doux. Zeus est le maître sage et bon qu’adora l’Olympe lorsqu’il eut soumis les dieux à ses lois et réprimé avec rigueur toute tentative de résistance, eût-elle, comme celle de Prométhée, les plus nobles mobiles[1].

Les indigènes, maltraités, mécontents, se révoltèrent, battirent l’oppresseur et l’obligèrent à remonter sur ses bateaux. Plusieurs tentatives dirigées contre la ville demeurèrent infructueuses ; les Portugais échouèrent devant les défenses élevées de leurs propres mains.

Devenus maîtres de leurs destinées, les Arabes de Mascate parcoururent durant quelques années une glorieuse carrière. Hardis, adroits, dès longtemps aguerris, ils contre-balancèrent bientôt les forces navales de leurs voisins et celles des marines européennes. Dès 1694, ils régentaient Gombroun, les divers ports du golfe Persique, et ne se contentaient plus d’attirer dans leur repaire les navires chargés des marchandises de l’Inde, mais inauguraient la course sur la mer d’Oman.

Le mal naît de l’excès du bien. La piraterie nuisit à la prospérité de Mascate. Pendant que les capitaines s’enrichissaient des dépouilles opimes de leurs victimes,

  1. Henri Weil, Prométhée.