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À SUSE.

la péninsule s’appauvrissait, faute de pouvoir écouler des denrées trop abondantes eu égard à la population qu’elle devait nourrir.

Vers 1730 l’imamat, constitué en gouvernement indépendant, remplaça l’oligarchie des capitaines et des pirates arabes. Dès lors Mascate releva haut et fier le rouge étendard. N’était la répression des querelles religieuses suscitées par le schisme wahabite, l’intervention de l’Angleterre, dont l’Imam eut la malencontreuse idée de solliciter l’appui contre ses sujets, l’État de Mascate n’aurait connu depuis un siècle que des jours paisibles, et jouirait d’une indépendance inconnue de ses pareils.

Le sultan Seïd-Saïd, père de l’Imam actuel, réclamait en Asie le sud-ouest de la côte arabique depuis Aden jusqu’à Raz-el-Had, les territoires d’Oman, les rivages et les îles du golfe Persique, y compris les îles Bahreïn. En Afrique, il se déclarait roi de la côte depuis le cap Delgado jusqu’au cap Gardafui, souverain des ports de Mengallaw, Lindî, Quiloa, Mélinde, Lamou, Brava, Magadoxo et des îles importantes de Mafia, Zanzibar, Pemba, Socotra. À lui encore la longue et étroite zone persane formée par le Laristan, les îles d’Ormuzd et de Kichm.

Il mourut.

Ses deux fils se partagèrent l’empire. L’un est aujourd’hui sultan de Zanzibar et gouverne les îles et la côte d’Afrique ; l’autre, sultan de Mascate, règne d’une manière toute platonique sur les provinces d’Asie. Bahreïn et ses anciennes possessions persanes ont reconquis leur indépendance ou sont passées sous le fouet d’un nouveau maître.

Aujourd’hui l’Imam ne saurait compter que sur les territoires arabes du continent. Encore est-ce bien certain ? L’empire britannique, ce Briarée dont les bras innombrables enserrent l’univers, entretient auprès de lui un mentor diplomatique placé sous l’intelligente direction du colonel Ross, et dans le port, devant le palais, un stationnaire toujours à l’ancre.

L’agent consulaire cherche une distraction dans le commerce du charbon et le change ultra-avantageux de la roupie anglaise acceptée des populations côtières de la mer des Indes et du golfe Persique ; mais les officiers de marine, commis à ces fonctions de geôliers, trouvent souvent les heures bien longues : les inscriptions rupestres gravées sur les falaises, en caractères monumentaux, témoignent de leur oisiveté.

Malgré son état de sujétion, l’Imam est un souverain heureux. Ses revenus excèdent ses dépenses, son harem se contente de privations et d’un maigre pilau ; il n’a même pas à redouter les lubies révolutionnaires de ses sujets, que l’Angleterre s’empresserait de mettre au pas s’il était nécessaire. Une armée