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À SUSE.

Les tcharvadars, venus à pied, étaient installés quand nous avons pris terre ; ils nous ont généreusement introduits dans le compartiment exposé au mauvais temps. Vers minuit une pluie abondante, fouettée par des rafales impétueuses, faisait une entrée souveraine dans cet asile aussi modeste que malsain. Nous avons tiré le toit à nous ; hélas ! il était déjà trop tard.

Le brouillard et les ondées, phénomènes météorologiques également humides, se sont relayés durant vingt-quatre heures.

Pareil temps, pareille nuit devaient laisser un souvenir parmi nous. M. Babin étrenne avec un gros accès de fièvre. Il n’accuse point l’adverse fortune, sachant bien que chacun de nous payera son tribut à la fée des marais. D’ailleurs, à tous les maux s’offrent des consolations ; une belle négresse, venue d’un campement voisin vendre du beurre aux muletiers, parut s’intéresser au sort du malade et lui prouva sa sympathie en se bourrant consciencieusement le nez et les oreilles d’une peau d’orange qu’il avait épluchée. Puis, noble et majestueuse, parée de ce trophée, elle reprit la route de sa tribu.

PÊCHEUR ARABE.

À la noire laitière succèdent des troupeaux de buffles conduits par des pâtres demi-nus ; l’un d’eux, armé du trident, comme Poséidon, le maître des ondes, nous offre un énorme poisson piqué dans les eaux fraîches du canal. Enfin, sur le soir, se présentent deux cavaliers. Ils comptent les bêtes de somme et réclament le tribut que toute caravane soucieuse de sa sécurité doit au cheikh des Beni-Laam. Cris, hurlements, pleurs, menaces, roulement d’yeux des victimes restent sans effet. Le péage perçu, les collecteurs se sont éloignés.