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BARRE BACHY.

Nous avons célébré la fête du 1er janvier par une longue promenade à cheval. Après la paye, nous courûmes dans la vallée et suivîmes la ligne des tumulus, qui s’étend le long de l’Eulæus, depuis le Takhtè Soleïman jusqu’à une surélévation située au nord-est de Suse.

Des pierres blanches avaient été signalées en ce point : trois bases de colonnes de style achéménide, d’un module plus petit que celles de l’apadâna.

Deux tombes sont fraîchement creusées sur la hauteur.

Quelle singulière tradition engage les Arabes à choisir comme sépulture des tumulus antiques et à dormir le dernier sommeil sur les œuvres détruites des générations disparues ! Selon que les troupeaux paissaient à droite ou à gauche, au nord ou au sud, les pères ensevelirent les aïeux sur le site de Djundi Chapour, auprès du tombeau de Daniel, sur les sommets de Docelladj, du tell Soleïman, de Suse, de Sendjar ou sur de petits mamelons qui passeraient inaperçus si de temps à autre on n’y voyait une butte de terre fraîchement remuée et de la longueur d’un être humain. Les urnes funéraires parthes exhumées des tumulus susiens durant nos dernières fouilles prouvent combien il faudrait remonter dans le passé pour retrouver l’origine de cette coutume, qui survivra encore à de nombreuses générations. Pour moi, j’ai la conviction qu’en la plupart des cas les hautes nécropoles choisies par les Arabes de la Susiane dissimulent des édifices antiques. Les tombes d’aujourd’hui reposent sur les ruines d’hier et les protègent des profanations humaines.

Marcel voudrait tenter une attaque auprès des bases de colonne ; le mal est que la surveillance sera difficile. Lancés au galop de charge, nous avons mis trente minutes pour regagner la maison. On verra plus tard !

2 janvier. — Aujourd’hui n’est pas fête comme hier. Les cavaliers envoyés à la recherche de bateaux et de bateliers ont visité sans succès Chouster, Bend Akhil, Kalehè-Bender et Ahwaz. En rentrant, ils ont unanimement déclaré que leurs efforts avaient été infructueux. Nul ne veut s’aventurer sur un fleuve aux vapeurs pestilentielles, dont les eaux sont peuplées de monstres marins et les rives de fauves terribles.

Je crains bien que nous ne soyons forcés de charger sur des charrettes les divers fragments du chapiteau, et de les acheminer successivement sur Ahwaz.

Jean-Marie travaille au bâti qui réunira les quatre roues apportées l’année dernière ; mais les animaux de trait et les harnais, où les trouver ?

M. Houssay partira demain pour Dizfoul et priera le gouverneur de nous prêter, contre rémunération, les chevaux de ses deux canons. En cas de refus, il ramènera les cordonniers de la ville ; nous leur ferons coudre des harnais, tandis que l’on dressera mulets et charretiers.