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À SUSE.

Sur le soir, des funérailles ont été célébrées au pied de la citadelle ; elles m’ont paru grandioses, toutes pauvres qu’elles étaient. Les Orientaux comprennent mieux que nous la majesté de la mort. Aucun de ces décors si chers aux nations latines, aucune de ces guirlandes de fleurs, dérisoire contraste avec la fin dernière.

La poussière est rendue à la poussière avec respect, mais avec simplicité et tranquillité d’âme, car le musulman considère la mort comme une des conséquences de la loi fatale qui régit l’univers. La destinée de l’enfant est fixée dès son premier souffle ; d’immuables décrets règlent le nombre des jours, des minutes, des secondes qui lui sont accordés ; les efforts des humains ne sauraient prolonger ou raccourcir la durée de la vie. C’était écrit ! Seuls les impies donnent à la disparition des êtres une importance qu’elle n’a point dans l’œuvre divine.

Pleure-t-on après le printemps et l’été, quand vient l’hiver ? Il faut savoir quitter la vie comme tombe l’olive mûre, en bénissant la terre qui l’a nourrie, l’arbre qui l’a portée.

Mourir, c’est renaître. N’ont-elles pas une tradition éternelle, ces générations d’oiseaux qui depuis des milliers d’années traversent la plaine, obscurcissant le ciel comme un nuage vivant, plus nombreuses que les sables du désert chassés par l’aquilon ? Les voilà formées en colonne : éclaireurs, avant-garde, corps d’armée, traînards, invalides ou paresseux, rangés en ordre de marche. La trombe passe, rien ne la fera dévier de sa route. Hélas ! comme ces oiseaux, l’homme est un voyageur. « Garde-toi de t’attacher à ce monde. C’est un étranger qui reçoit chaque jour de nouveaux convives. Est-il permis d’aimer la vie, cette fiancée qui change sans cesse d’amants ? Sois bon et bienfaisant ; l’an prochain ta maison aura un autre maître. »

4 janvier. — La saison des pluies vient d’être inaugurée à grand orchestre. Depuis deux jours nous sommes sous l’eau. Afin d’occuper mes loisirs, j’ai commencé l’emballage des archers. Chaque pièce reçoit un numéro d’ordre inscrit dans un répertoire. Il suffira désormais de reconnaître les briques et de les rapporter sur une aquarelle générale, pour posséder l’inventaire de nos richesses, sans les exposer aux regards indiscrets. Vingt caisses s’empilent ce soir dans le magasin et la salle à manger ; la pluie passée, il faudra les évacuer au dehors, sous peine de ne pouvoir loger les nouvelles découvertes.

Tout en emballant, je prête l’oreille. Jean-Marie et Ousta Hassan ne cessent de causer. L’un s’obstine à ne pas apprendre un mot de persan et prétend être compris ; l’autre s’efforce de saisir les finesses du mocco, mais ne peut dompter les difficultés de ce merveilleux idiome.

« Quelles bourriques que ces charpentiers persans ! disait notre Toulonnais :