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À SUSE.

Désormais le déblayement de la fortification, l’emballage des taureaux, la descente des caisses absorberont tous nos efforts.

22 février. — Du 16 au 20 la pluie n’a cessé de tomber. Le temps se leva le 21, et le soleil, déjà brûlant, sécha rapidement le sol. Il s’agissait de déraciner la prolonge chargée de trois caisses. Les mulets ruèrent, blessèrent des hommes, brisèrent des harnais ; quarante ouvriers poussèrent aux roues, et la charrette ne parcourut pas dix mètres. Les jantes, trop minces, s’enfonçaient dans de profondes ornières, comme le soc dans le sillon. On enleva une pierre, puis deux ; ainsi allégé, le véhicule vint échouer sur une de ces inévitables tombes ouvertes auprès du cénotaphe de Daniel. Je laisse à juger de l’émotion des tcharvadars. Les têtes se montaient ; Marcel dut faire acte de vigueur et frapper violemment le frère du seïd tcharvadar.

Le véritable départ fut remis au lendemain. Aujourd’hui il pleut à torrents, l’eau ruisselle des tumulus et noie le sentier voisin du marécage où les charrettes devront s’engager. Les voitures de bois se comportent bien mieux que la prolonge. Les roues, épaisses de quinze centimètres, grincent, ballent, mais appuient sur le sol sans le défoncer.

4 mars. — Tel le chat joue avec la souris, tel Mozaffer el Molk prolongea notre agonie ! Remercions Dieu : il ne nous a pas croqués !

En réponse aux communications de Marcel, le Khan avait parlé de devancer le pèlerinage, afin de présenter à Daniel ses devoirs prématurés et de régler, par surcroît, les difficultés pendantes.

Les jours passèrent, les pluies survinrent et nous commencions à douter du Khan et de sa promesse, quand, un matin, arrivèrent les ferrachs chargés de planter les tentes de Son Excellence.

Entre temps les charrettes s’étaient ébranlées à la demande du seïd tcharvadar, très désireux de toucher la seconde partie des frais de transport. Le 28 février on acheva, Dieu sait au prix de quels efforts, de tourner le tumulus ; le 1er mars, le convoi parcourut un kilomètre ; le 2 il fit une lieue, sous l’unique direction de M. Houssay, promu charretier bachy en remplacement de M. Babin, affligé d’une grosse fluxion.

Tous les matins nous quittions le camp pour aider M. Houssay à franchir les premières étapes. Au retour de l’une de ces courses je fus entourée par les ouvriers :

« On voit à l’horizon le Khan escorté de l’ordou !… Khanoum, sur nos yeux, gardez cette farine et ces vêtements, enfermez-les dans votre maison ; les gens de police et les serviteurs du hakem sont là ! ils vont s’emparer de notre bien ! Chargez-vous aussi de nos femmes, vous les défendrez. Si elles restent au Gabr, on nous les prendra et on nous battra. Pitié ! pitié !