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À SUSE.

et se mettent en devoir de les dépouiller. Le revolver à la main, nous arrivons ; les bandits s’écartent, mais l’un d’eux décharge sur nous un pistolet long d’une coudée ; les chevrotines dont l’arme est remplie jusqu’à la gueule vont s’incruster dans les planches d’une caisse. C’est miracle que nous n’ayons pas été atteints.

La caravane gagne de l’avant. Les nomades suivent nos pas ; une pierre lancée d’une main exercée blesse Marcel à la tête ; je reçois de mon côté une violente contusion à l’épaule.

La colère nous gagne. Volte-face ! Les assaillants jettent leurs lances et fuient comme des lièvres.

7 avril. — Il a fallu abandonner la direction de Djéria et d’Ahwaz — le Karoun débordé a noyé le pays — et prendre celle d’Hawizé. Comme il est heureux que le taureau ait été porté à Kalehè-Bender ! Si les charrettes avaient suivi leur premier itinéraire, elles se trouveraient aujourd’hui dans la nécessité de rétrograder vers Suse. Le sol est détrempé, les mulets tombent à chaque pas, les caisses, trop lourdes, se brisent, la caravane ne fait pas vingt kilomètres par jour. Que deviendraient nos carrosses ?

Des moustiques, toujours des moustiques en nuages épais ; la chaleur est lourde, humide, insupportable.

8 avril. — Kou Manniour. — Traversé des dunes coupées de soulèvements schisteux. Aperçu les traces fraîches d’un fauve de grande taille. Tourné à gauche, en un point nommé Nahr-Hachem ; doublé un grand lac formé par les eaux d’inondation. La vallée apparaît couverte d’herbes et de fleurs. Passé devant un konar touffu.

« Nous sommes sauvés ! s’écrie Baker, voici l’arbre qui me vit naître, voici la terre de mes pères ! Autrefois de nombreuses tribus perses parcouraient cette contrée ; aujourd’hui elle ne nourrit même plus de chacals ; le peuple est passé dans Roum (Turquie).

— Les voleurs sont inconnus dans le pays de tes pères ?

— Comment donc ! ils pullulent ; mais je les connais tous.

— Quelle distance nous sépare de Djéria ?

— Quatre farsakhs.

— Gagnons ce village.

— Impossible, il se fait tard. Et les voleurs !

— Tu les connais tous.

— Le jour, pas la nuit. Distinguerais-je seulement mon père de ma mère ? D’ailleurs nous passerons la nuit à travailler. »

Il s’agit de remplacer la paille qui rembourre les bâts par des tissus sujets à ces innombrables droits de péage que réclament tous les petits cheikhs arabes. Afin de ne point blesser les animaux, l’opération doit être faite le plus près possible de Djéria.