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À SUSE.

et le Rh’ya, dictionnaire des compilations, écrit, dit-on, plus de mille ans avant Jésus-Christ, la signale comme originaire des provinces occidentales du Céleste-Empire. Les Grecs la mirent au rang des objets précieux ; la loi romaine la classait parmi les valeurs transmissibles aux descendants ; un collier de perles était le symbole de l’union conjugale.

Quelques auteurs anciens voyaient dans la perle l’œuf du mollusque.

Pline faisait remonter les huîtres des profondeurs où la nature les a reléguées, et leur confiait le soin charmant de transformer en perles les gouttes de rosée recueillies, au mois de mai, entre la coquille et le manteau.

La génération des huîtres mères, contée par les Indiens Paravas, ne le cède en gracieuse fantaisie à aucune légende : Vénus elle-même ne rougirait pas de pareille origine. À l’époque des grandes pluies, l’eau des torrents s’écoule dans la mer sans se mêler avec les ondes amères ; elle s’épaissit au soleil, forme une crème blanche qui se divise en légers fragments ; chacun d’eux prend vie, devient un animal dont la peau s’épaissit et acquiert finalement une telle consistance, que son poids l’entraîne au fond de la mer, où il revêt la forme d’une huître. Des esprits satisfaits d’une pareille version devaient expliquer sans peine la présence de la perle dans la coquille.

Mais, de tous les poètes, qui fut plus poète que Saadi ?

« Une goutte de pluie tomba du sein des nuages ; en voyant la mer immense, elle demeura toute confuse. Que suis-je, dit-elle, à côté de l’Océan ? En vérité, je me perds et disparais dans son immensité !

« En récompense de cet aveu modeste, elle fut recueillie et nourrie dans la nacre d’une coquille ; par les soins de la Providence, elle devint une perle de grand prix et orna le diadème des rois. Elle fut grande parce qu’elle avait été humble, elle obtint l’existence parce qu’elle s’était assimilée au néant[1]. »

La vérité fait toujours mauvaise figure auprès de la fiction : oyez plutôt. La perle, formée de couches concentriques, serait une concrétion calcaire mêlée à une substance organique. Elle ressemblerait à la nacre de certains mollusques, et l’on provoquerait même son développement artificiel soit en pratiquant une piqûre dans les valves, soit en introduisant un corps étranger entre la coquille et le manteau. Ce corps étranger deviendrait une source d’irritation et déterminerait autour de lui le dépôt de la précieuse nacre.

Tous les mollusques ne sont pas des ouvriers également habiles. Les artistes fabriquent des globules sphériques ; d’autres façonnent des poires ; les paresseux engendrent des perles attachées à la coquille nommées « boutons de perles » ; les incohérents composent les perles bossuées ou baroques si

  1. Saadi, le Boustan. Traduction de M. Barbier de Meynard, p. 181.