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BAIN MAURE.

— Fumée, eau froide et eau chaude sont à discrétion.

— À mon tour. »

Nous rentrons au logis et Marcel se met en devoir de préparer un télégramme. Un courrier sur le point de partir pour Téhéran se chargera de cette dépêche ; avant deux mois Paris aura de nos nouvelles. Le temps passe.

« Tu as eu tort de quitter le hammam, me dit mon mari sur un ton de regret : Houssay paraît s’y trouver à merveille. »

Un cri, un hurlement indicible se fait entendre. La porte du bain s’ouvre brusquement, des bras s’agitent, un corps tombe à la renverse, et les battants se referment d’eux-mêmes.

Nous courons. Notre malheureux camarade est étendu sur le sol du vestibule, les yeux grands ouverts, les membres raides, la tête congestionnée. On le transporte au dehors. Le pouls ne bat plus. « C’est une asphyxie carbonique, » s’écrie Marcel. Et sur-le-champ il insuffle de l’air dans les poumons, tout en exerçant des pressions sur le diaphragme ; nous frictionnons les jambes et les bras. Nos efforts paraissent infructueux, mais un miroir posé sur la bouche se ternit encore. Soudain on perçoit des battements de cœur, puis on surprend quelques mouvements aux commissures des lèvres. Dieu soit loué ! le mort ressuscite, il s’agite convulsivement, articule des sons rauques, pousse de grands cris, demande de l’air, finit par se calmer et s’endort. Par quelles angoisses il faut passer quand on est mère de famille !

Le soir, M. Houssay put reconstituer les phases de l’asphyxie. Il ressentit d’abord un malaise étrange, puis de violentes douleurs de tête et voulut sortir ; mais, au lieu de s’habiller, il prit ses vêtements, les porta au hammam, et s’évanouit. Un vomissement le réveilla. Guidé par un dernier instinct de conservation, il courut vers la porte, la poussa et perdit connaissance.

Notre asphyxié respire maintenant le mieux du monde. En revanche nous sommes anéantis. Voilà un hammam qui n’aura pas notre clientèle.

24 février. — Le mirza est un homme civilisé. Hier il vint prendre des nouvelles de M. Houssay et lui prouva que la langue française n’avait pas de mystères pour lui. Son vocabulaire se compose de quatre mots : « or, argent, théâtre, Champs-Élysées, » et d’une phrase bien caractéristique : « Mademoiselle, voulez-vous vous promener un peu ? » Avec ce bagage on peut aller au bout du monde et mener parfois joyeuse vie.

Avant de se retirer, Abdoul-Raïm offrit de préparer les vivres de campagne. Il se réserve aussi d’engager un cuisinier, car Mçaoud doit abandonner les fonctions qu’il a remplies au grand détriment de nos estomacs, pour celles de surveillant des travaux. Notre pourvoyeur a reçu cent krans (quatre-vingts francs)