Page:Susejournaldes00dieu.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
À SUSE.

oublié d’y joindre les puces. Ces pauvres bestioles témoignent de leur profond désespoir par des bonds désordonnés et ne retrouvent un peu de calme qu’à la vue de la mission.

Marcel apparaît sur le soir. Il est ravi de son entretien avec Mozaffer el Molk et rapporte trois lettres précieuses : la première l’autorise à toucher des fonds, la seconde à louer des ouvriers, la troisième à faire chauffer le hammam du palais. Jamais musulman ne nous témoigna pareils sentiments de fraternité.

23 février. — Mon mari a profité des bonnes intentions du gouverneur pour donner l’ordre de préparer le bain. Dès la première heure nous pénétrions dans l’étuve.

LE NAÏEB EL HOUKOUMET DE DIZFOUL. (Voyez p. 76.)

Des bancs de terre disposés autour du vestibule sont destinés à recevoir les vêtements. Je pousse plus avant, et me voici dans une salle voûtée que ferme, en guise de porte, un matelas de feutre. Des fonds de bouteilles sertis au sommet de la coupole laissent pénétrer un demi-jour attristant. L’atmosphère est épaisse ; j’ai peine à distinguer les lambris de faïence blanche et bleue appliqués sur les parois des murs et deux piscines d’eau chaude et d’eau froide. Quand on a la bonne chance de prendre un bain maure, c’est pour transpirer en conscience et jouir ensuite du bien-être si vanté que procure le retour aux conditions normales de la vie. Cela me rappelle les gens qui mettent de petits cailloux dans leurs souliers afin de se réserver le plaisir de les ôter.

Pleurez, mes yeux ; brûlez, ma gorge ; alourdissez-vous, ma tête et mes membres ! Le plaisir lui-même réclame une acclimatation ; nous sortons, et nous voilà retrouvant avec une vive sensation de bien-être la température du vestibule, puis la clarté du soleil et la brise qui souffle de la montagne.

« Êtes-vous satisfaits de votre bain ? demande M. Houssay.