Aller au contenu

Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
— 168 —

— Évidemment ; et c’est ce qui ne s’est, je crois, jamais fait ! Les peuples respectueux du passé, comme les Chinois et les Turcs, s’immobilisent dans leur funèbre apathie intellectuelle ; les peuples jeunes et créateurs sont tous plus ou moins vandales… Enfin, peut-être trouvera-t-on le juste milieu… »

Un petit silence. Je vois quatre heures et demie au bracelet-montre de Barral, qui m’avait dit être obligé de partir à quatre heures un quart ; mais, après tout, il n’a qu’à savoir l’heure ; et j’ai la lâcheté de ne pas l’avertir…

« Et pour l’état moral de Paris ? y trouvez-vous quelque changement ? » demande-t-il brusquement.

J’hésite quelques secondes, cherchant à condenser en paroles mes pensées qui flottent, imprécises.

« Je vous avouerai que je suis un peu désorientée… Certes, je ne méconnais pas les efforts que vous avez réalisés depuis l’époque où j’habitais cité Montparnasse ; l’alcoolisme s’étale d’une manière moins agressive ; la saleté publique s’est atténuée… Les préjugés ancestraux à l’égard des femmes ont notoirement fondu… Enfin, je ne parle pas de cette résurrection de l’énergie nationale qui a tant surpris l’Europe, à commencer par moi-même ! Mais je m’attendais — naïvement, peut-être — à trouver une transforma-