Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/33

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« Ah ! oui, vous ne connaissez pas le dada de mon frère !… il a passé toute sa vie à potasser d’extraordinaires voyages, à pied, en carriole, à dos de chameau ; il achète des photos, des livres, tout ce qui paraît comme documents sur les pays qu’il veut voir… Il vit là dedans pendant deux ou trois mois ; il s’entraîne à la marche ; il se prive de boire ; il apprend le cambodgien, le persan ; et puis, il ne part jamais, naturellement… »

L’autre continue, sans paraître avoir entendu :

« L’architecture norvégienne a des parentés très curieuses avec celle d’Extrême-Orient ; vous allez voir là des photos de pagodes indo-chinoises qui font un effet intéressant en stéréoscope ; ça rappelle absolument les vieilles églises de Fantoft ou de Borgund, avec leurs toits aux angles retroussés, qui se terminent en dragons…

— Allons, Pierre, laissez-nous prendre le thé, coupe la tranquille voix de Mme Rousset. Léa, venez avec moi chercher l’eau chaude ; je vais retirer les gâteaux du four. »

Le modèle, qui a remis ses vêtements neutres et modestes, la suit à la cuisine. Un instant après, elles reviennent portant une théière, un paquet d’épicier contenant du sucre, et une assiette où s’entassent de