Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/287

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par le sang des peuples ; enfin la postérité de ces brigands publics rentrée dans le néant, d’où l’injustice et la rapine l’avaient tirée !

Comme, dans cet état d’immortalité, l’idée de la mort ne serait jamais présente à mon esprit pour me troubler, ou pour ralentir mes désirs, je m’abandonnerais à tous les plaisirs sensibles dont la nature et la raison me permettraient l’usage. Les sciences seraient néanmoins toujours mon premier et mon plus cher objet ; et je m’imagine qu’à force de méditer je trouverais à la fin les longitudes, la quadrature du cercle, le mouvement perpétuel, la pierre philosophale, et le remède universel ; qu’en un mot, je porterais toutes les sciences et tous les arts à leur dernière perfection.

Lorsque j’eus fini mon discours, celui qui seul l’avait entendu se tourna vers la compagnie, et lui en fit le précis dans le langage du pays ; après quoi ils se mirent à raisonner ensemble un peu de temps, sans pourtant témoigner, au moins par leurs gestes et attitudes, aucun mépris pour ce que je venais de dire. À la fin cette même personne qui avait résumé mon discours fut priée par la compagnie d’avoir la charité de me dessiller les yeux et de me découvrir mes erreurs.

Il me dit d’abord que je n’étais pas le seul