Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/347

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pable de commettre des actions si détestables et de se livrer à des excès si horribles, c’est ce que je ne puis comprendre, et qui me fait conclure en même temps que l’état des brutes est encore préférable à une raison corrompue et dépravée ; mais, de bonne foi, votre raison est-elle une vraie raison ? n’est-ce point plutôt un talent que la nature vous a donné pour perfectionner tous vos vices ?

Mais, ajouta-t-il, vous ne m’en avez que trop dit au sujet de ce que vous appelez la guerre. Il y a un autre article qui intéresse ma curiosité. Vous m’avez dit, ce me semble, qu’il y avait dans cette troupe d’yahous qui vous accompagnait sur votre vaisseau des misérables que les procès avaient ruinés et dépouillés de tout, et que c’était la loi qui les avait mis en ce triste état. Comment se peut-il que la loi produise de pareils effets ? D’ailleurs, qu’est-ce que cette loi ? Votre nature et votre raison ne vous suffisent-elles pas, et ne vous prescrivent-elles pas assez clairement ce que vous devez faire et ce que vous ne devez point faire ?

Je répondis à son honneur que je n’étais pas absolument versé dans la science de la loi ; que le peu de connaissance que j’avais de la jurisprudence, je l’avais puisé dans le commerce de quelques avocats que j’avais autrefois con-