Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/360

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Il me fit observer en même temps que, parmi les Houyhnhnms, on remarquait que les blancs et les alezans-bruns n’étaient pas si bien faits que les bais-châtains, les gris-pommelés et les noirs ; que ceux-là ne naissaient pas avec les mêmes talens et les mêmes dispositions que ceux-ci ; que pour cela ils restaient toute leur vie dans l’état de servitude qui leur convenait, et qu’aucun d’eux ne songeait à sortir de ce rang pour s’élever à celui de maître, ce qui paraîtrait dans le pays une chose énorme et monstrueuse. Il faut, disait-il, rester dans l’état où la nature nous a fait éclore ; c’est l’offenser, c’est se révolter contre elle, que de vouloir sortir du rang dans lequel elle nous a donné d’être. Pour vous, ajouta-t-il, vous êtes sans doute né ce que vous êtes ; car vous tenez du ciel votre esprit et votre noblesse, c’est-à-dire votre bon esprit et votre bon naturel.

Je rendis à son honneur de très-humbles actions de grâces de la bonne opinion qu’il avait de moi ; mais je l’assurai en même temps que ma naissance était très-basse, étant né seulement d’honnêtes parens, qui m’avaient donné une assez bonne éducation. Je lui dis que la noblesse parmi nous n’avait rien de commun avec l’idée qu’il en avait conçue : que nos jeunes gentilshommes étaient nourris dès leur