Page:Swift - Le Conte du tonneau - tome 1 - Scheurleer 1732.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
139
DU TONNEAU.

Le Pain, dit-il, mes chers Freres eſt le ſoutien de la vie : dans le Pain ſont renfermez incluſivè, le mouton, le veau, le gibier, le flan, & le podding[1]. Et même, pour en faire un aliment complet il y a une doze néceſſaire d’eau, qui, aiant perdu ſa crudité par la chaleur & par la fermentation, eſt devenuë une liqueur extrémement ſaine répanduë par toute la maſſe.

Conformement à ces beaux principes, un grand pain fut ſervi le lendemain à dîner avec toute la formalité d’une Noce Bourgeoiſe. Allons, mes Freres, dit Pierre, n’épargnez pas ces mets. Je vous garentis ce mouton excellent. Servez-vous s’il vous plait ; ou bien, je m’en vais vous ſervir moi-même, puiſque j’y ſuis. En même tems, avec beaucoup de Cérémonies, armé d’un couteau & d’une fourchette il leur coupe à chacun une tranche maſſive de ce pain, & il la leur préſente ſur une aſſiette. L’aîné des deux, n’entrant pas d’abord dans l’idée de Mylord Pierre, commença d’une maniere fort humble à lui demander le ſens de ce Miſtere. Mylord, dit-il, avec tout le reſpect que je vous dois, il me ſemble qu’il y a quelque mépriſe ici. Comment donc !

  1. La Tranſubſtantiation.