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LE CONTE

raiſonne avec beaucoup de juſteſſe. Bon cela, repondit Pierre. Je ſuis bien-aize de vous voir rentrer ſi-tôt en vous mêmes. He ! Garçon, rempliſſez-moi un verre à bierre de vin rouge. A vous, Meſſieurs, de tout mon cœur.

Les deux Freres, ravis de voir cet orage paſſé, le remerciérent très-humblement, & lui firent entendre, qu’ils ſeroient bien-aiſes de lui faire raiſon. C’eſt bien-là mon intention, leur dit Pierre. Je ne ſuis pas homme à vous refuſer rien qui ſoit raiſonnable. Le vin pris avec moderation eſt le plus excellent de cordiaux. Tenez, prenez chacun votre verre. C’eſt le jus naturel de la grappe : il n’a point paſſé par la braſſerie de nos Empoiſonneurs, je vous en reponds. Aïant prononcé ces dignes paroles, il leur tendit à chacun une autre croute ſeche. Que honte ne vous faſſe point dommage, mes Enfans, dit-il. Buvez hardiment : il ne vous montera pas à la tête ; croyez-moi. Les deux Freres, après avoir emploïé quelques minutes à s’acquiter d’un devoir très-naturel dans une conjoncture ſi delicate ; je veux dire, après avoir regardé fixement Mylord Pierre, & s’être en-