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LE CONTE

Grandeur de me donner de cette petite main potelée un petit ſouflet bien apliqué ? Mon brave Capitaine, vous, qui paroiſſez avoir le bras ſi nerveux, pour l’amour de Dieu, ſanglez-moi une demi douzaine de coups de canne[1].

Quand, par des ſollicitations ſi preſſantes, il avoit réüſſi à s’enfler le corps & l’imagination, il s’en retournoit chez lui content comme un Roi ; & faiſoit mille Contes terribles de tous les malheurs, qu’il avoit ſoufert pour la Cauſe Commune[2]. Voyez un peu ce coup-là, diſoit-il, en ſe découvrant les épaules : un maudit Janiſſairė me le donna ce matin à ſept heures, dans le tems qui je fai-

  1. Le faux Zêle porte ſouvent les Devots à s’expoſer ſans néceſſité à la Perſecution, contre la premiere loi de la nature, qui eſt le principe de toute la morale & contre les ordres expres de notre Sauveur. La Vanité a ſouvent beaucoup de part à cette conduite. C’eſt un beau titre, que celui de Martir de la Verité, c’eſt un titre fort flatteur ; mais, le nombre de ceux qui le meritent eſt bien petit.
  2. Il n’eſt pas rare de trouver des gens, qui ſe vantent de ce qu’ils ont ſoufert pour l’Egliſe, & qui par-la veulent ſe faire conſiderer, comme les grands boulevards de la Religion.