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LE CONTE

poids qui ſe répandent de-là, qu’elles ſoient or, ou plomb, puiſſent tomber tout droit dans les machoires de certains animaux nommez Critiques, qui les attendent la gueule béante, pour les devorer.

Les Loges, qu’en faveur des Dames on a placées de niveau avec le Théatre, ſont arrangées en cercle, parce qu’on a obſervé que cette grande doze d’eſprit, qu’on emploïe à exciter parmi le beau Sexe certaines démangeaiſons, ſuivent ordinairement une route circulaire[1].

  1. L’Eſprit, qu’on emploïe dans les obſcenitez, eſt très-commun, & aiſé à attrapper : c’eſt preſque toûjours la même choſe parmi les Auteurs Dramatiques, qui veulent abſolument faire rire, & qui remplacent, par ces ſottiſes, le ſel comique qui doit regner dans les Comedies. C’eſt pour cette raiſon, que l’Auteur fait rouler cette ſorte d’eſprit en cercle. Il dit proprement dans l’Original, que cet eſprit s’avance en ligne droite, & va toûjours dans un cercle. Peut-être veut-il dire quelque choſe, que je n’oſe exprimer ici, & qu’on devinera de reſte. J’ai pourtant trouvé à propos de preferer la premierre idée dans ma traduction. Quoi qu’il en ſoit, il a grand raiſon de cenſurer la licence des Auteurs Dramatiques de ſa Nation : licence ſi effrénée, que la maniere de garder ſa contenance eſt devenuë un Art dans les formes parmi le beau Sexe Anglois.