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Des Livres.

& la groſſiereté. La Déeſſe avoit des griffes ſemblables à celles d’un chat. Sa tête, ſa voix, & ſes oreilles, repreſentoient celles d’un Ane : & ſa prunelle étoit tournée en dedans, comme ſi elle ne ſe plaiſoit qu’à ſe conſiderer elle même. Elle avoit pour nourriture les écoulemens de ſa propre bile, & ſa ratte étoit d’une ſi prodigieuſe groſſeur, qu’elle cauſoit une élevation, de ce côté de ſon corps, égale à une mamelle de la prémiere grandeur. Sur le dehors de cette eſpece de boſſe, il y avoit pluſieurs bouts, que quelques monſtres afreux venoient ſucer, avec une grande avidité, & ce qu’il y a de difficile à concevoir, c’eſt que cette ratte prodigieuſe ſe rempliſſoit de nouveau, plus vite que ces monſtres n’étoient capables de la vuider. Déeſſe, lui dit Momus, à quoi ſongez vous ? Avez-vous le cœur de vous plonger ici dans l’indolence, dans le tems que vos chers Adorateurs, les Modernes, vont entrer dans une cruelle Bataille ? Que dis-je ? Peut-être dans cet inſtant même tombent-ils déja ſous le glaive redoutable de leurs fiers ennemis. Quel homme voudra à l’avenir dreſſer des autels, & faire des ſacrifices, à l’honneur de nos Divinitez ?