Page:Swift - Opuscules humoristiques - Wailly - 1859.djvu/147

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rement admis sur un meurtre ; un jeune chien de chasse est saigné la première fois qu’il entre en plaine ; un jeune bravache commence par tuer son homme ; et un jeune poète doit montrer son esprit, comme l’autre son courage, en coupant, taillant, terrassant et massacrant la pauvre humanité.

Enfin, il sera sage à vous de chercher de bonne heure un bon emploi pour votre muse, en rapport avec son savoir-faire et ses talents, comme fille de laiterie, ou cuisinière, ou femme de ménage ; je veux dire louer votre plume à un parti qui vous donnera salaire et protection ; et lorsque vous aurez affaire à la presse (comme il vous tardera d’en être là), prenez soin de vous assurer d’un ami importun, qui vous arrache vos productions avec une agréable violence ; lesquelles, conformément au rôle convenu entre vous, vous devrez livrer digito male pertinaci : cela est décent ; car il ne convient pas plus à un auteur, comme modestie, de prendre part à la publication de ses ouvrages, qu’à une femme en travail d’enfant de s’accoucher elle-même.

Je serais très-fâché de donner le moindre ombrage ou la moindre offense en disant ce que je viens de dire, comme je pourrais le faire si on me soupçonnait d’insinuer que ces circonstances accessoires du talent d’écrire ont été inconnues des poètes de ce royaume, ou n’en ont pas été observées. Je rendrai à mes compatriotes la justice de dire qu’ils ont écrit selon les règles ci-dessus avec une grande exactitude, et qu’ils ne sont guère